Le mobilier produit par Humberto et Fernando Campana marque le tournant des XXe et XXIe siècles. Leurs pièces marquantes sont diffusées dans des environnements luxueux, éloignés de leur processus de création et des matériaux utilisés. La rencontre entre un processus de création relevant du bricolage – au sens envisagé par Claude Lévi-Strauss{{Lévi-Strauss, Claude,
La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.}} – et son exposition dans le registre de l’exception renforce encore davantage le déplacement symbolique, tout en posant le caractère problématique de la dilution de la question sociale dans les catégories symboliques. Cette analyse consacrée aux dimensions processuelle et symbolique d’emploi des matériaux dans le travail de production d’objets des frères Campana s’observe plus largement au Brésil où il existe des traditions vernaculaires d’origines variées – des amérindiens aux émigrés esclavagisés ou européens – en parallèle des processus industriels de fabrication de masse des objets domestiques. Nous souhaitons montrer ici comment le travail sur la matière réalisé par ces designers participe à l’écriture d’une identité culturelle et quels sont les ressorts mobilisés par ces narrations.
Des sujets vers l’objet
Les frères Campana, Humberto et Fernando – ce dernier est décédé le 16 novembre 2022 –, ne sont pas des designers de formation. La production de mobilier, de prêt-à-porter ou encore leurs scénographies s’inscrivent dans une existence tournée, dès l’enfance, vers la mise en forme et l’emploi varié des matériaux. Sans pour autant en constituer l’unique origine ou cause, les éléments biographiques du parcours des frères Campana, volontiers mobilisés dans leurs témoignages sur leur travail, sont de nature à l’éclairer. Ils sont connus grâce à leurs ouvrages, leurs témoignages, aux nombreux articles de presse qui leur sont consacrés, non exempts de constituer également des instruments de communication. Ils soulignent une vie de designer à différents moments de leur existence et dès l’enfance, une période propice à imaginer avec souplesse la métamorphose des matières en matériaux. Les deux frères que six années séparent – Humberto naît en 1953 et Fernando en 1961 –, grandissent dans la ville de Brotas, une ville de taille moyenne de l’État de São Paulo au Brésil, où leurs familles italiennes, maternelles et paternelles, viennent produire du café au début du XXe siècle. Dans l’ouvrage d’entretiens que Cédric Morisset leur consacre, les frères Campana soulignent l’importante place occupée par la quincaillerie familiale de leur grand-père où, enfants, ils passent de longs moments. La vive rurale qu’ils mènent à Brotas est marquée, témoignent-ils, par la « mélancolie des dimanches à la campagne{{Morisset, Cédric, Campana, Humberto et Fernando,
Entretien avec Cédric Morisset,Paris, Archibooks, 2010.}} », où la pratique du football et la fréquentation de l’église demeurent les principales occupations. Ils s'en détournent au profit d'un cinéma tenu par un Sicilien et diffusant les films du Néo-réalisme italien et de la Nouvelle Vague notamment. Ils assistent par exemple à la projection de Théorème (1968) de Pasolini et déclarent au sujet de ces séances : « Le cinéma était notre fenêtre ouverte sur le monde, notamment durant ces dimanches qui n’en finissaient pas. La mélancolie des dimanches à la campagne nous a rendu anticonformiste{{
Ibid., p. 17.}} ». Humberto réalise des cabanes en bois, reproduit des décors de film sous l’avocatier du jardin familial, fabrique des jouets avec des végétaux et de l’argile. La vie rurale de l’enfance encourage leur connaissance des matériaux et des assemblages par un apprentissage qui définit leur sensibilité aux matières premières.
L’installation d’Humberto Campana à São Paulo pour étudier le droit dans une université franciscaine libérée d’une tutelle stricte au régime militaire d’alors contrarie ses volontés de devenir artiste ou sculpteur dans un climat politique peu favorable à l’exercice de ces professions. Rapidement après son diplôme en 1977, son installation dans l’État de Bahia le conduit à abandonner sa carrière juridique pour se consacrer à la fabrication d’objets en coquillage destinée au marché touristique jusqu’à la fin des années 70{{Cette décennie est considérée comme une période de « transition » pendant le régime de la dictature militaire.}} avant son retour à São Paulo. Il y suit des cours de modelage et de joaillerie lui permettant de perfectionner ses gestes acquis à Bahia. La même année, son frère Fernando, benjamin de la fratrie, entame des études d’architecture à l’école des beaux-arts de São Paulo. Son stage d’assistant auprès de Pierre Keller{{Le graphiste représente la Suisse à la Biennale d’art contemporain de São Paulo en 1983. Il devient le directeur de l’École Cantonnale d’Art de Lausanne en 1995.}} l’initie à l’appréhension de l’espace délesté d’un fonctionnalisme marqué et suscite « une approche plus conceptuelle de la conception{{Morisset, Cédric,
op. cit., p. 21.}} ». En parallèle, les deux frères poursuivent une activité de peinture de paniers artisanaux produits dans des régions rurales en s’évertuant à masquer ce qui contrarie la forme pure. Dès lors, leur réflexion, à rebours du fonctionnalisme, s’épanouie, ainsi que leur intérêt pour l’établissement de polarités opposées dans leur travail.
La création, par Humberto, d’une chaise nommée Positivo présentant une spirale creusée dans la plaque d’acier du dossier, conduit Fernando à répondre par l’antithèse : une chaise très légère sur laquelle la ligne spiralaire tient lieu de dossier. Les chaises Positivo et Negativo fonctionnent alors par paires. La réalisation de ces deux assises donne lieu à la série Desconfortavéis{{En langue française « Les Inconfortables »}} , exposée en 1989, et à cheval entre la création d’objet et les arts plastiques. Cette série se démarque dans le champ du design à une période où le fonctionnalisme domine la production au Brésil : les pièces dessinent une image caustique du confort et de la fonctionnalité redoublée par le choix de titres malicieux. C’est à cette période qu’ils déclarent construire « un langage de l’imperfection, de l’erreur, de l’irrationnel et de l’imprécision{{Morisset, Cédric,
op. cit., p. 7}} », par contraste avec la production dominante en design et comme antidote à la recherche, en parallèle, du lisse dans les matériaux.
Série Desconfortavéis, 1989 ©
https://casavogue.globo.com/Design/Objetos/noticia/2019/08/irmaos-campana-comemoram-35-anos-com-instalacao-e-lancamento-de-miniaturas.html
Dans leur atelier du quartier de Santa Cecilia à São Paulo, encore populaire dans les années 1990 et où les drogueries côtoient les échoppes de matériaux de bricolage, les frères Campana collectent des matériaux usinées et des objets hétérogènes qu’ils associent en fonction de leurs caractères discordants. Leurs prototypes sont réalisés directement dans la matière marquant ainsi le caractère artisanal de leur démarche. Progressivement, les deux frères se tournent plus directement vers la production d’objets. En 1993, ils présentent la collection « Edição 93 » à São Paulo qui posent les bases d’un travail organique en utilisant des matériaux très distincts : corde, métal, carton. À cette occasion, ils présentent deux pièces majeures de leur travail : la chaise Favela et le fauteuil Vermelha, conduisant à présenter leur travail dans la revue Domus (1994), à Milan (1996), à figurer dans des publications comme les Design year book ou les Fifty chairs fifty tables de Mel Byars ou à exposer leurs pièces au MoMA{{Lors de l’exposition
Projects 66 : Campana / Ingo Maurer du 27 novembre 1998 au 19 janvier 1999.}}.
Fabrication du fauteuil Vermelha ©Emilio Tremolada/Irmãos Campana/CASACOR
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Emilio Tremolada/Irmãos Campana/CASACOR https://casacor.abril.com.br/arte/irmaos-campana-entram-em-cartaz-no-museu-oscar-niemeyer/
Cette reconnaissance institutionnelle fait basculer leur production jusqu’alors artisanale et en petite série, vers son industrialisation pour laquelle ils emploient des médias inhabituels afin de décrire le processus de fabrication, comme la vidéo. L’éditeur de meubles italien Edra souhaite éditer leur fauteuil Vermelha composé d’une structure métallique et de 500 mètres de corde nautique. Or, la production est jusqu’alors un procédé complètement manuel aboutissant à des résultats chaque fois différents. Sa réalisation relève pour les deux frères du « hasard », Fernando Campana déclare à ce sujet : « Un jour j’ai ramené de la corde nautique que j’ai posé en tas sur le bureau et en la regardant j’ai souhaité créer une chaise. Nous nous sommes alors mis à rechercher le confort. C’était notre premier contact avec cette notion car nos chaises étaient inconfortables auparavant{{Morisset, Cédric,
op. cit., p. 32}} ». Dans ce projet relevant de l’ingénierie artisanale, ils investissent la structure courbe en forme de coquille sur laquelle ils tressent des cordes de façon irrégulière. Ce projet marque la mise en place d’un processus de fabrication artisanal en série, vers l’industrie. Pour transférer ce procédé manuel vers une stratégie industrielle, Humberto et Fernando Campana réalisent une vidéo en lieu et place de schémas techniques, avec pour bande-son Maracatu Atômico de Giberto Gil afin de masquer les éclats de voix entre eux pendant la réalisation de la vidéo{{
Ibid., p. 29.}}.
Le désordre de leur atelier stimule leur travail, il les incitent à essayer de nouvelles formes ou à multiplier les prototypes avec différents matériaux. Ce processus constant de compréhension des associations, entre matière et forme, au regard des qualités mécaniques de chacun est alimenté par l’emploi de matériaux simples{{Lima Ferreira, Claudio,
A obra de design brasileiro dos Irmãos Campana sob o olhar das Relações Complexas. Thèse soutenue à l’Institut des arts de l’Université de Campinas le 9 juin 2022.}}. L’exercice de la créativité individuelle se fait plus libre au regard d’autres modèles tournés vers la rationalité et la recherche du standard. Ils proposent de nouvelles relations du sujet au monde, au vivre ensemble, à la propre sensibilité des usagers. L’usager est convié à créer des associations inédites entre les formes et la matière, à stimuler sa mémoire affective – comme la table Tatoo en référence aux nappes en crochet – permettant à leurs objets de ne pas disparaître derrière les usages quotidiens. Dans la relation à l’usager, le fauteuil Anêmona fonctionne comme métaphore du monde aquatique faisant appel à des sensations marines. L’utilisation de tuyaux d’arrosage mis en forme de manière organique suggèrent le mouvement de déploiement de tentacules et la qualité de transparence du plastique achève la référence avec le monde aquatique.
Le travail de re-sémantisation des matériaux qu’ils conduisent réside dans l’emploi de matériaux variés, qui, transférés dans des contextes d’utilisation inhabituels, leur confère un nouveau sens. Ces nouveaux contextes pour des usages neufs mêlent aussi les valeurs symboliques et culturelles intrinsèques à la matérialité des artefacts. La matière physique et symbolique employée par ces designers déjoue donc les configurations classiques entre formes et matériaux. Qu’il s’agisse de la chaise Favela (1991), du fauteuil Anêmona (2000) ou du canapé Boa (2002), le matériau éloigne l’objet des modèles ordinaires, en révise les schèmes et nous invite, pour reprendre les mots de l’anthropologue Tim Ingold, à « nous méfier de l’idée selon laquelle le monde matériel posséderait par nature des propriétés de résistance et une consistance de forme qui constituerait sa solidité{{Ingold, Tim,
Faire anthropologie, archéologie, art et architecture, Bellevaux, Dehors, 2017, p. 72.}} ». L’usage de ces matériaux hors de leurs conditions d’emploi ordinaire place la matière concrète au centre de l’objet et le libère de la forme convenue. La matière occupe une position initiale dans leur projet, elle est choisie aux prémices du projet, pour ses qualités esthétiques et sémantiques. Les frères Campana s’appuient sur elle pour définir la forme à l’inverse d’autres démarches en design qui sélectionnent les matériaux pour leur adéquation à la production du projet. De la sorte, ils déconstruisent un modèle hylémorphique dominant tel que le décrit Tim Ingold d’après Simondon{{Simondon, Gilbert,
L’Individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Grenoble, Millon, 1964}}, qui conçoit l’acte de fabrication comme imposition d’une forme sur la matière et pense que les formes viennent en faisant : que le « faire » est créateur.
L’exercice sémantique proposé par les frères Campana travaille également sur le registre des valeurs symboliques portées par les matériaux assemblés, à l’image, estiment-ils, des contrastes qui coexistent au Brésil, où extrême pauvreté et grande richesse se côtoient en permanence. Ces emplois conduisent aussi à redonner de la légitimité aux valeurs populaires confisquées au cours de la dictature militaire.
La chaise Favela, jeu sémantique et question politique
La chaise
Favela (1991) exploite les particularités de la favela – terme qui désigne les bidonvilles brésiliens avant d’être une assise – notamment la précarité, la désorganisation et l’irrégularité des caractéristiques constructives qui prévalent dans ce contexte urbain hétérogène. L’insertion de l’image de la précarité au Brésil est caractéristique du travail des frères Campana et donne à réfléchir aux aspects plus politiques du travail sémantique qu’ils mènent sur les matériaux{{Lima Ferreira, Claudio,
op. cit., p. 83.}}. En effet, les caractéristiques de la favela sont employées par les designers du point de vue de ses valeurs plastiques, en se concentrant strictement sur ses qualités artistiques. Or la favela est beaucoup plus que des formes en un certain ordre assemblées. Il s’agit du domicile de milliers de foyers{{En 1991, l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques dénombre 882 483 habitants de Rio, résidant dans des favelas.}}, d’espaces dangereux car situés parfois sur des terrains à forte déclivité. Les systèmes d’égout sont à ciel ouvert et les habitations qui relèvent de l’auto-construction, sont souvent mal ventilées et éclairées, alimentées en électricité par le détournement de quelques lignes existantes.
Chaise
Favela, 1991 © Museu Oscar Niemeyer, Curitiba, Brésil.
La forme apparemment irrégulière et désorganisée d’un matériau peu onéreux - le pin - restitue le caractère intuitif du processus de création de la chaise. Cet assemblage produit un capital symbolique sur lequel repose les qualités d’originalité et d’exceptionnalité de la chaise, vendues au prix fort sur le marché de l’édition de mobilier.
Ce processus d’appropriation est dénoncé par les communautés d’habitants qui ne bénéficient d'aucun retour social ou économique. Le motif des lamelles de bois assemblées fut ensuite décliné dans des pièces de joaillerie{{La ligne « Slats » – lamelle – du joaillier Stern.}} ou des chaussures{{Par la marque de prêt-à-porter
Melissa.}}, et aboutit à la diffusion de l’image de la favela au risque d’en légitimer l’existence. Le studio Campana, entreprise et propriété des deux frères, détient les droits d’auteurs de l’utilisation du motif des lamelles de bois. Ils mènent de concert et presque paradoxalement, depuis l’ouverture de l’Instituto Campana en 1998, des programmes éducatifs pour promouvoir la pratique du design comme un outil de transformation sociale{{Des projets sont réalisés dans la favela do Moinho qui jouxte le quartier de Santa Cecilia ou à Taubaté, une autre ville de l’état de São Paulo.}}.
Des critiques, comme Marcus Fair{{Le créateur du site dezeen.com.}}, y ont vu ou perçu un travail au mieux naïf, au pire cynique d’exploitation de la « pauvreté chic ». D’autres comme Anne Bayert-Geslin y voient le retournement d’un univers réputé négatif, à la fois comme entorse à la tradition héritée des arts décoratifs car « l’assemblage des bûchettes de bois n’obéit pas à l’ordonnancement de la marqueterie et le feutre n’est ni cousu ni tressé ». Il altère également la mémoire du geste de la main de l’artiste car « la pratique a effacé la mémoire du geste d’assemblage pour livrer pour ainsi dire le matériau à luimême. Le geste se réduit au minimum comme s’il s’attachait à « faire être » le bois, à mettre en évidence ses propriétés, à redécouvrir les exigences de l’objet et finalement à problématiser la rencontre du matériau et de l’objet{{Beyaert-Geslin, Anne,
Sémiotique du design, Paris, PUF, 2012, p. 106}} ».
La production de cette chaise est aussi celle de la variation des modèles liée à la co-existence de processus de fabrication industriels : d’abord un prototype, puis un modèle destiné à l’industrie brésilienne{{Édité par Casa Firma au Brésil.}} et enfin, autre modèle destiné à l’industrie italienne, qui chacune montrent des altérations du modèle initial{{Lima Ferreira, Claudio,
op. cit., p. 102.}}. Si les grandes lignes du modèle original subsistent, l’affinement de l’idée initiale, autant que les nécessités de la production en série, le modifient. Ce phénomène souligne la nécessité, pour les designers, de rester ouvert aux ajustements dans le travail de conception des objets, au risque de perdre le contact avec les contingences de l’usage ou de la production -artisanale ou industrielle, qui constituent les autres matériaux de cette profession. L’activité de conception s’inscrit dans un travail de design actif, ouvert et qui s’adapte, sans crainte de créer, recréer et de modifier les créations initiales.
L’itinéraire créatif des frères Campana est marqué par le bricolage et l'absence de matériaux sophistiqués. En raison des difficultés de production du mobilier au Brésil, ils privilégient l’utilisation de matières premières dont il est possible de tirer parti des malfaçons. Comme l'indique Anne Beyaert-Geslin : ils « ont puisé dans un répertoire de matériaux et d’objets très contraints{{Du fer, de l’aluminium, des matériaux naturels et recyclés, du fil d’aluminium, de la ficelle, des lattes, du plastique, du PVC, des tuyaux d’arrosage, des poupées de chiffon, de l’emballages de fruits, des plateaux à pizza.}} qui sont d’abord définit, dans leur usage quotidien, par leur instrumentalité. Leur travail ne consiste donc pas simplement à récupérer des matériaux ou des objets, mais à exploiter des signes qui peuvent « raconter des valeurs{{Beyaert-Geslin, Anne,
op. cit., p. 107.}} » et à « manipuler une épaisseur sémantique{{
Ibid}}.» Les procédés relevant du bricolage et du réaménagement de la signification renforcent la sédimentation des valeurs d’un objet à l’autre, au profit d’un récit renvoyant à des valeurs culturelles. Mais les difficultés de production au Brésil donnent lieu à une esthétique du bricolage autant qu’à celle de l’exception, qui dans le cas exemplaires des architectures d’Oscar Niemeyer se réclamant du Mouvement moderne en architecture, construit somptuairement plutôt que massivement, à destination des classes populaires.
« Notre langage est celui de l’erreur, de l’imperfection, de l’irrationnel, de l’imprécision. » déclarent les deux designers. Leur travail de métamorphose des matières tente de « redonner dignité à des matériaux pauvres par la reconversion et le détournement des usages{{Morisset, Cédric,
op. cit., p. 12}} ». Les « procédures de la créativité quotidienne » qu’ils utilisent s’inscrivent dans le contexte de l’ordinaire au Brésil, dominé par une esthétique de la « combine », du réemploi, de la transformation, d’un rapport souple aux matériaux et aux formes, inscrits dans la pratique du design, et qui fonde une culture matérielle substantielle. Toutefois, à la différence « des arts de faire » de Michel de Certeau dans L’invention du quotidien, « les manières d’employer les produits imposés{{
Ibid., p. 27}} » que développent les frères Campana ne sont pas sans questionner le transfert de l’ordinaire de la précarité et de la misère vers des objets diffusés par le marché du luxe.