Images fixes et mouvements de pensée. Les enjeux d’un nouveau régime d’image

Gilles Deleuze dans son ouvrage L’image-temps. Cinéma 2[1] s’attache à définir l’essence du cinéma moderne. Il précise au-delà du corps l’importance du cerveau pour ce nouveau régime d’image. Il ébranle ainsi l’approche du cinéma classique et engage un mouvement de pensée. Au-delà de L’image-mouvement. Cinéma 1[2] où l’importance est donnée aux signes optiques et sonores, il offre un nouvel éclairage à la théorie cinématographique. L’expérience du grand écran glisse d’une appréhension docile à la sollicitation plus profonde d’un processus cognitif. Elle déclenche un mécanisme cérébral inédit directement lié à l’expérience esthétique. Ce pourquoi son propos constitue une passerelle de choix pour questionner au plus près d’une démarche créative les enjeux de cette interconnexion. Elle offre un ancrage à nos questionnements plastiques et théoriques sur l’impact du processus cognitif dans l’appréhension d’images fixes. Plus encore elle est le point de départ de recherches photographiques réalisées autour de la réactivation d’habitudes cognitives déjà vécues dans les salles obscures. Sans prétendre avancer une vision exhaustive du lien entre cerveaux, créations et infinis, la présente étude est l’occasion de susciter et d’étudier un mouvement de pensée au cœur de l’image fixe. Elle engage autour de références hitchcockiennes, une réflexion sur la plasticité de l’œuvre comme sur la plasticité cérébrale et ouvre la photographie numérique à de nouveaux enjeux.

Sous l’immobilité frémissante

« Donnez-moi un cerveau[3] ». La requête de Gilles Deleuze est éloquente. Il interpelle son lecteur et l’incite à penser le cinéma dans L’image-temps. Cinéma 2[4]. En rupture avec le cinéma du corps, il le pousse à aborder le cinéma moderne par un mouvement de pensée. La question du processus cognitif prend alors forme. Il impacte l’appréhension de l’œuvre et l’engage vers de nécessaires répercussions cognitives. Dans ce cadre, l’intention principale est de démontrer la manière avec laquelle certaines œuvres parviennent à susciter un élan de pensée. Pour répondre à cette proposition, abordons dans un premier temps la place du cerveau dans la relation à l’œuvre. En effet l’expérience esthétique et cognitive implique face aux images fixes comme animées des potentialités cérébrales inédites face à la compréhension et l’appréhension de la nouveauté. Elle implique ainsi des connexions neuronales spécifiques créant une possibilité de câblages à l’infini. Face à l’œuvre, le cerveau fait ainsi preuve de plasticité et offre la capacité de modifier, d’adapter, l’organisation de ses réseaux neuronaux en fonction des épreuves vécues. Les réflexes cognitifs impactant sur l’attentionnel, l’émotionnel et le mnésique du récepteur conditionnent l’expérience esthétique. Cette caractéristique qui lui permet d’appréhender ou d’anticiper certaines stimulations externes déjà éprouvées par l’organisme déterminent les modalités d’appréhension de l’œuvre. Ce pourquoi questionner la plasticité neuronale, ses spécificités et réflexes impacte directement sur la réception de l’œuvre, comme par anticipation sur ses modalités de création. Avant d’aborder plus précisément le lien entre photographie digitale, cerveaux et infinis par une approche poïétique, il convient de délester le propos de tout présupposé qui planerait sur nos questionnements à venir. Anticipons la présomption selon laquelle l’impression d’apparente véracité plane toujours sur l’image captée et ce même à l’heure où le post-traitement n’a jamais été aussi prégnant ; pour nous intéresser à l’orientation donnée par l’artiste à cette nécessité plastique. La capacité de l’image à feindre la réalité est en effet signifiante. Elle est même sans complaisance lorsqu’elle touche à la prise de vue. Elle pousse la fusion jusqu’à la confusion, si ce n’est la trahison évoquée par la symbolique religieuse du « baiser de Judas[5] » énoncé dans l'ouvrage du photographe et théoricien Joan Fontcuberta. Le baiser de Judas : Photographie et vérité[6] manifeste par une symbolique liturgique un « mensonge inévitable[7] » attaché à l’image photographique. Surtout il met l’accent sur l’importance lors de l’expérience esthétique du « contrôle exercé par l’artiste[8] » qu’il nous importe d’aborder. « En dépit de tout ce qui nous a été inculqué, et de ce que nous pensons, la photographie ment toujours, elle ment par instinct, elle ment parce que sa nature ne lui permet pas de faire autre chose. Mais ce mensonge inévitable n'est pas le problème essentiel. […] L'essentiel en somme, c'est le contrôle exercé par le photographe pour infléchir son mensonge dans une direction donnée. Le bon photographe est celui qui sait bien mentir la vérité. Est-ce une prise de position cynique ? Peut-être[9]. » La capacité de l’image photographique à feindre la réalité, à se faire passer pour vrai n’est plus à démontrer et ne constitue pas le cœur du propos. Il n’est pas non plus question d’interroger la manière avec laquelle le regardeur ne peut s’empêcher dans un premier temps de prendre la photographie pour un cliché authentique, ni la manière avec laquelle il fait face à ce mensonge. L’essence de ma pratique réside bien plutôt dans cette inclinaison à susciter une réflexion dans le sillage du mouvement de pensée évoqué par Gilles Deleuze. Une intention qui nécessite tout d’abord d’évacuer tout présupposé quant à la fixité de l’image qui semble de prime abord incompatible avec le mouvement de pensée abordé par Gilles Deleuze. Comme le souligne Marie Fraser « la photographie doit […] composer avec l’immobilité, avec le fait qu’elle est un moment arraché à la continuité[10] ». Elle doit se résigner à son statut d’image fixe mais pas nécessairement à celui d’une réalité prélevée sur le continuum du temps. La composition digitale ouvre une véritable brèche en ce sens. Certes la manipulation n’anime pas la surface photosensible, mais ses potentialités infinies engagent la photographie vers un nouveau régime d’image. Elle ouvre la voie à des univers hybrides, à des temps composés qui impactent sur la plasticité de l’œuvre comme sur la plasticité cérébrale. A partir de mes expérimentations photographiques interrogeons la viabilité d’un élan de pensée dans l’image fixe. Celle-ci ne vise pas à apporter une réponse figée et exhaustive aux questionnements édictés, mais à servir de support à une réflexion sur l’interaction entre créations, cerveaux et infinis. Dans cette intention dévoilons à travers ma pratique les modalités de constitution d’images aux références hitchcockiennes évocatrices. Partons de cette approche poïétique pour étudier au sein de l’image fixe l’impact de références filmiques dans l’activation de souvenirs cognitifs.

Une image à double-fond

« Composer avec l’immobilité[11] » n’est pas incompatible avec le mouvement de pensée de Gilles Deleuze. Bien au contraire, l’impératif émis par Marie Fraser engage l’image photographique vers une déviation des nomenclatures habituelles du médium. Il révèle de nouveaux enjeux liés au digital susceptibles d’engager des résonances cérébrales inédites pour ce type de médium. Même si la manipulation de l’image n’est pas uniquement liée au numérique, l’affinement de celle-ci permet actuellement de recréer des photographies au post-traitement indétectable. Ma pratique se situe au cœur de cette problématique dans une certaine forme de réécriture photographique. Elle s’ancre dans une manipulation méticuleuse à même de composer par un système de calques des images qui font « signe[12] » dans le sillage de la pensée de Régis Durand. La « photographie, mise en scène ou modifiée par diverses opérations de transfert, fait signe[13] ». Elle engage à travers cette dynamique une intention de la part de l’artiste, directement adressée au regardeur. Dans la série des sphères que nous allons évoquer, les retouches sont volontairement imperceptibles et engagent à déceler sous la surface photographique un double fond. Il incite le regardeur à chercher sous le visible, l’origine d’un trouble. Il l’engage à déceler sous ces univers d’apparence vraisemblables, la source d’un malaise. Un malaise à la fois lié à la composition de l’image, mais surtout indissociable des références hitchcockiennes compilées dans certaines photographies de la série.  
Hélène Virion, Vertigo, 2014. Tirage numérique, 100 x 100 cm
  La photographie intitulée Vertigo offre une passerelle de choix au mouvement de pensée de Gilles Deleuze. Il engage dans l’image des souvenirs hitchcockiens autour du film Vertigo[14]. Même si nous sommes bien loin des sueurs froides évocatrices du titre français du thriller, la photographie recèle une certaine forme de tension. La composition de l’image en est la cause. Autour d’une référence cinématographique édictée le lobe frontal s’active. Avec lui les rouages des processus attentionnels et mnésiques s’enclenchent à la simple lecture du titre et engage une quête de souvenirs cinématographiques. Dans l’intention de faire résonner dans l’inconscient des expériences déjà éprouvées dans les salles obscures, l’image fourmille de références au suspense hitchcockien. La photographie se compose de manière quasiment indétectable d’une trentaine de clichés aux échos cinématographiques évidents. Il s’agit d’autant de points de repères qui autour d’un jeu d’équilibre et de proportions activent par un algorithme complexe toute la machine sensorielle. Le cinéphile puise alors dans ses souvenirs et active ses habitudes cognitives. Face à la bâtisse imposante positionnée à flanc de falaise les scènes liées à la maison de Norman Bates dans Psychose resurgissent. La demeure déjà très inquiétante, n’en devient que plus inhospitalière à la vue des volatiles qui suggèrent immanquablement les attaques inexpliquées sur la petite ville californienne de Bodega Bay du film Les Oiseaux[15]. Ces références sont autant d’éléments positionnés numériquement pour susciter certaines émotions réflexes, raviver nombre de réminiscences. Sont-elles pour autant aptes à engager dans le sillage des réflexions de Gilles Deleuze un mouvement de pensée ? Les références hitchcockiennes de Vertigo engagent des rouages cognitifs. Elles activent l’interconnexion du système limbique et du système des émotions avec le cortex frontal. Plus encore elles engagent des interprétations liées aux prédispositions attentionnelles, émotionnelles et mnésiques de chacun. Par le prisme des souvenirs, elle incite le regardeur à faire appel à sa mémoire, à penser l’œuvre. La contemplation passive laisse ainsi place aux réminiscences d’images animées. De fait alors que paradoxalement rien n’est à craindre, le regardeur ne peut s’empêcher de lier à la présence humaine introduite par la bâtisse une possible entrée dramatique. Comme face aux photographies des rues parisiennes désertes d’Eugène Atget dans les mots de Walter Benjamin, la « contemplation détachée[16] » laisse alors place à la quête d’un « chemin d’accès[17] » : « Elles ne se prêtent plus à une contemplation détachée. Elles inquiètent celui qui les regarde ; pour les saisir, le spectateur devine qu’il lui faut chercher un chemin d’accès[18]. » Même si nous passons sous silence l’épineuse question de la déperdition de l’aura qu’il incombe à la reproductibilité technique, les mots de Walter Benjamin ouvrent une piste de recherche à explorer. Par l’inquiétude la contemplation deviendrait active. Elle engendrerait par une activation réflexe des rouages cognitifs un mouvement de pensée au-delà de la fixité de l’image. Poursuivons cette piste face à la photographie Fenêtre sur cour dont le titre est également éloquent.  
Hélène Virion, Fenêtre sur cour, 2015. Tirage numérique, 100 x 100 cm
  La composition numérique fait elle aussi référence à des souvenirs cinématographiques. Ils débordent la fixité de l’image, comme l’immobilité et la passivité du regardeur. Elle engage un cheminement visuel et cognitif qui dépasse la surface du médium. Sous le papier glacé la manipulation digitale agit directement sur la matière, sur la plasticité de l’image mais également sur son appréhension. Elle engage le regardeur à suivre le chemin d’accès qui lui est imposé. Le plan végétal en est la première strate. A couvert, comme tapis en léger contrebas, le regardeur doit s’il veut accéder à la scène s’engager dans les fourrés et passer le portillon - tous deux ajoutés en post-traitement - pour accéder à la demeure. La maison aux issues bouchées numériquement déstabilise les repères habituels. Dans l’attente de cette avancée impossible l’œil du regardeur cherche inlassablement comme Jeff, le photographe immobilisé par Alfred Hitchcock de Fenêtre sur Cour[19], les indices d’un possible crime, tout du moins d’une possible intrigue. Les références cinématographiques visuelles ou formulées par le titre activent de fait des zones réflexes. Au-delà de la question du chemin d’accès s’impose l’hypothèse d’une sollicitation visuelle. Elle ressuscite certains ressentis liés aux images animées et engage par cette incitation notre propos à aborder plus précisément la place de l’artiste comme instigateur d’un souvenir, voire comme activateur d’un élan de pensée.

Un sens insaisissable

Le mouvement de pensée abordé par Gilles Deleuze est déterminant pour étudier la place du regardeur, comme celle de l’artiste. Cerveaux et modalités de réception déterminent de manière inextricable la perception que nous avons d’une œuvre. Dans les photographies abordées la connaissance des films hitchcockiens est un prérequis indispensable à l’activation d’habitudes cognitives. Grâce à ces souvenirs même infimes s’enclenchent nombre d’auto-matismes[20], si nous reprenons la diction employée par Gilles Deleuze lors de son cours sur le « Cinéma et la pensée[21] ». Les évocations faites aux films à suspense deviennent alors des activateurs de conscience qui semblent orienter voire régir la posture du spectateur face à l’image. Elles ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le commentaire de Gilles Deleuze à propos d’Alain Resnais lorsqu’il souligne l’intérêt du cinéaste pour « le mécanisme cérébral, le fonctionnement mental, le processus de la pensée, […] c’était là le véritable élément du cinéma[22] ». Lors de L’année dernière à Marienbad[23] la voix-off de la bande annonce invite le cinéphile à l’interrogation : « que s’est-il vraiment passé l’année dernière[24] ? » Cette injonction résonne comme une instruction indispensable pour le déroulement participatif du film. Par cette inconnue, le scénario déborde l’appréhension docile et patiente du cinéphile, pour lui imposer un choix binaire et une expérience inédite. L’algorithme complexe qui engage la machine sensorielle n’est certes pas le même face aux photographies abordées mais active là aussi l’attention du regardeur. Tel un automate, il s’engouffre tout comme le cinéphile face au scénario d’Alain Robbe-Grillet, dans les réminiscences imposées par l’image. L’activation de zones réflexes devient alors l’élément déclencheur l’invitant à composer face à l’œuvre avec ses prédispositions attentionnelles et émotionnelles acquises. Le retour aux images animées loin de paraître fortuit est un passage de choix pour ouvrir les photographies abordées au mouvement de pensée énoncé par Gilles Deleuze. Certes Vertigo et Fenêtre sur cour n’imposent pas d’interpellation explicite mais font resurgir par des références hitchcockiennes évidentes des drames plus ou moins flous. Ils mettent en branle des mécanismes attentionnels et mnésiques à même de mener le regardeur à se demander ce qu’il se passe dans l’œuvre. Il en sera de même dans certaines sphères au drame plus hermétique comme dans la photographie 1977.  
Hélène Virion, 1977, 2016. Tirage numérique, 100 x 100 cm
  Aucune référence cinématographique n’est visible, pas plus qu’elle n’est lisible. Pourtant un même mouvement visuel s’engage autour des tourments marins et des traces de présence humaine. Même si aucun repère n’est clairement édicté un même processus neurologique s’active autour d’un mouvement de pensée. A partir des prédispositions cognitives chacun expérimente l’œuvre à sa manière. En émanent des questionnements, des pistes inextricablement liées à la plasticité de l’œuvre et à son titre énigmatique qui ouvrent à l’infinie potentialité de la plasticité cérébrale. L’énonciation de références, édictées ou visibles, engage l’interprétation. Face à ces photographies parsemées de « secrets[25] » qui « ne seront jamais totalement levés parce qu’ils ne reposent pas sur la dissimulation provisoire d’un contenu, mais sur une contingence profondément orchestrée[26] » le processus cognitif s’active. Cette orchestration émise par Raphaël Baroni à propos de la narratologie exprime l’importance de cette brèche creusée dans la plasticité. De cette composition à même de révéler des combinaisons neuronales spécifiques et réflexes réside tout la force ou la faiblesse de l’œuvre. Sur la résistance de ce « secret[27] » repose l’efficacité de l’interpellation, la viabilité du processus engagé et par répercussion l’engagement des rouages cognitifs. De manière plus profonde elle fait peser sur les épaules de l’artiste l’efficience de ce mouvement de pensée. De ses choix dépendent les modalités de création, mais surtout l’efficacité ou l’inconsistance de l’activation des mécanismes conscients ou inconscients susceptibles de mener le regardeur à expérimenter l’œuvre. Ce pourquoi Gilles Deleuze et Jean-Louis Schefer en font un activateur de conscience, un « géant derrière nos têtes[28] » que nous reprenons à notre compte pour le laisser planer sur l’image fixe : « le grand automate spirituel qui marque l’exercice le plus haut de la pensée, la manière dont la pensée pense et se pense elle-même, dans le fantastique effort d’une autonomie ; c’est en ce sens que Jean-Louis Schefer peut créditer le cinéma d’un géant derrière nos têtes, ludion, mannequin ou machine, homme mécanique et sans naissance qui met le monde en suspens[29]. » L’artiste comme instigateur de cette machination déborde l’expérience docile du regardeur et engendre par le mécanisme cérébral de nouveaux enjeux poïétiques et cognitifs. Pour cela il fait appel aux résonances illimitées de l’œuvre. Elles induisent de nouvelles perceptions impactant sur l’appréhension de l’image. De fait en fonction de ses expériences passées et présentes, chacun compose face aux références filmiques dissimulées, avec ses dispositions constitutionnelles ou acquises. L’expérience prendrait ainsi le pas sur l’essence dramatique. Face au dessaisissement narratif comme le souligne Marie Fraser dans son essai Explorations narratives/Replaying narrative[30], « on conserve le désir actif[31] » : « C’est comme si l’expérience avait pris la relève de la cohérence narrative. Mais cette expérience n’est plus celle du récit, de l’histoire racontée, mais d’une histoire des images qui provient du cinéma[32]. »

Conclusion

D’images en mouvement en mouvements de pensée l’approche de Gilles Deleuze dans son ouvrage L’image-temps. Cinéma 2[33] pose un regard éclairant sur la relation entre cerveaux, créations et infinis. Il ouvre une brèche signifiante pour l’enjeu des mécanismes cérébraux dans l’expérience esthétique. Il engage une véritable réflexion sur la réception de l’œuvre et questionne de manière sous-jacente le lien entre création et expérience esthétique. Dans le sillage de son postulat la création artistique s’oriente vers des expériences toujours renouvelées. Entre la plasticité de l’œuvre et la plasticité cérébrale, il est en effet question d’une interconnexion modulable et malléable à l’infini. De l’interpellation directe d’Alain Renais et Alain Robbe-Grillet aux références hitchcockiennes convoquées par les photographies abordées, un véritable mouvement de pensée prend corps. Il impose au récepteur de quitter la posture docile et patiente qui lui était assignée pour expérimenter l’image. Il est de fait question d’implication voire de risque pour le récepteur comme pour l’artiste. Un risque que les éclairages scientifiques de plus en plus poussés tendent à amoindrir face à la commercialisation contrôlée de nombreuses œuvres cinématographiques. Qu’en-sera-t-il en effet du film ou de cette zone d’inconnu lorsque l’imagerie cérébrale à résonance magnétique deviendra l’outil de quantification et d’évaluation de l’expérience esthétique ? Qu’en sera-t-il lorsque le neurocinéma parviendra à produire des films conditionnés par les préférences des cinéphiles, voire lorsque les œuvres seront déterminées par leurs attentes ? Le propos pourrait paraître futuriste, mais est déjà bel et bien en marche. Le neurocinéma semble vouloir retranscrire à partir de l’infinie potentialité neuronale, une piste de recherche systématisée et globalisée pour produire le cinéma de demain. L’avenir du cinéma mais également de l’art devront dans un futur proche composer avec ce type d’avancées neuroscientifiques.  

Bibliographie

Baroni Raphaël, L’œuvre du temps : Poétique de la discordance narrative, Paris, Éditions du Seuil, 2009. Bazin André, « Ontologie de l’image photographique », Qu’est-ce que le cinéma, Paris, Éditions du Cerf, 1958. Bellour Raymond, L’Entre-Images : Photo-Cinéma-Vidéo, Paris, Éd. De la Différence, 2002. Benjamin Walter, Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, traduit de l’allemand par L. Duvoy, Paris, Allia, 2007. changeux Jean-Pierre, Du vrai, du beau, du bien : une nouvelle approche neuronale, Paris, Odile Jacob, 2008. Deleuze Gilles, L’image-temps : cinéma 2, Paris, Les Éditions de Minuit, 1985. Deleuze Gilles, L’image-mouvement : cinéma 1, Paris, Les Éditions de Minuit, 1983. Deleuze Gilles, « Cinéma et pensée : cours 67 du 30/10/1984 », La voix de Gilles Deleuze, Paris 8, (propos retranscrits), [En ligne]. 01 novembre 2015, disponible sur http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=7. Durand Régis, Habiter l’image : essais sur la photographie 1990-1994, Paris, Marval, 1994 Fontcuberta Joan, Le Baiser de Judas : Photographie et vérité, traduit de l’espagnol par C. Bleton et J. Gerday, Arles, Actes Sud, 1996. Fraser Marie, La performance des récits et la narrativité dans l'art contemporain, Histoire de l’art et des études cinématographiques, Montréal, Université du Québec, 2005.  

Filmographie

Hitchcock Alfred, Les Oiseaux (The Birds), scénario d’Evan Hunter, 120 min, Los Angeles, Universal Pictures, 1963. Hitchcock Alfred, Fenêtre sur cour (Rear Window), scénario de John Michael Hayes, 112 min, Los Angeles, Paramount Pictures, 1954. Hitchcock Alfred, Sueurs Froides (Vertigo), scénario d’Alec Coppel, Samuel A. Taylor, 128 min, Los Angeles, Paramount Pictures, 1958. Resnais Alain, L’année dernière à Marienbad, scénario d’Alain Robbe-Grillet, n&b, 94 min, France/Italie, Prod. Pierre Courau, Raymond Froment, Argos Films, Cinétel, Les Films Tamara, Precitel, Société Nouvelle des Films Cormoran, 1961.   [1] Gilles Deleuze, L’image-temps : cinéma 2, Paris, Les Éditions de Minuit, 1985. [2] Gilles Deleuze, L’image-mouvement : cinéma 1, Paris, Les Éditions de Minuit, 1983. [3] Gilles Deleuze, L’image-temps : cinéma 2, op. cit., p. 265. [4] Ibid. [5] Joan Fontcuberta, Le Baiser de Judas : Photographie et vérité, traduit de l’espagnol par C. Bleton et J. Gerday, Arles, Actes Sud, 1996. [6] Ibid. [7] Ibid., p. 12. [8] Ibid. [9] Ibid., p. 11-12. [10] Marie Fraser, La performance des récits et la narrativité dans l'art contemporain, Histoire de l’art et des études cinématographiques, Montréal, Université du Québec, 2005, p. 16. [11] Marie Fraser., La performance des récits et la narrativité dans l'art contemporain, op. cit., p. 16. [12] Régis Durand, Habiter l’image : essais sur la photographie 1990-1994, Paris, Marval, 1994, p. 49. [13] Ibid. [14]Alfred Hitchcock, Sueurs Froides (Vertigo), scénario d’Alec Coppel, Samuel A. Taylor, 128 min, Los Angeles, Paramount Pictures, 1958. [15] Alfred Hitchcock, Les Oiseaux (The Birds), scénario d’Evan Hunter, 120 min, Los Angeles, Universal Pictures, 1963. [16] Walter Benjamin., L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, traduit de l’allemand par L. Duvoy, Paris, Allia, 2007, p. 32. [17] Ibid. [18] Ibid. [19] Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour (Rear Window), scénario de John Michael Hayes, 112 min, Los Angeles, Paramount Pictures, 1954. [20] Gilles Deleuze, « Cinéma et pensée : cours 67 du 30/10/1984 », La voix de Gilles Deleuze, Paris 8, (propos retranscrits), [En ligne]. 01 novembre 2015, disponible sur http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=7. [21] Ibid. [22] Gilles Deleuze, L’image temps : cinéma 2, op. cit., p. 272. [23] Alain Resnais, L’année dernière à Marienbad, scénario de Alain Robbe-Grillet, n&b, 94 min, France/Italie, Prod. Pierre Courau, Raymond Froment, Argos Films, Cinétel, Les Films Tamara, Precitel, Société Nouvelle des Films Cormoran, 1961. [24] Extrait de la bande-annonce du film L’année dernière à Marienbad, op. cit, 1961. [25] Raphaël Baroni, L’œuvre du temps : Poétique de la discordance narrative, Paris, Éditions du Seuil, 2009, p. 107. [26] Ibid., p. 107- 108. [27] Ibid., p. 107. [28] Gilles Deleuze, L’image temps : cinéma 2, op. cit., p. 343. [29] Ibid., p. 343-344. [30] Marie Fraser, Explorations narratives/Replaying narrative, op. cit., p. 19. [31] Ibid. [32] Ibid. [33] Gilles Deleuze, L’image temps : cinéma 2, op. cit.