Jardins japonais : voie entre culture et nature pour une conscience écologique
Introduction
Les jardins japonais sont des œuvres d’art du paysage construites à partir de matériaux de la nature. Espaces visuels, sonores et olfactifs, ils proposent un parcours kinesthésique contribuant à leur esthétique et au sentiment de nature. L’art du jardin japonais associe le naturel (shizen) et l’artificiel (sakui). Les deux termes ne s’opposent pas mais s’équilibrent dans un espace intermédiaire : passage évident et obligé, atténuant les contrastes entre différents lieux comme l’intérieur d’un temple et l’extérieur de ses enceintes. Les jardins japonais introduisent tout un imaginaire autant inspiré des paysages, de la géographie, et du climat que des croyances religieuses (shintoïsme et bouddhisme) ou de l’esthétique culturelle du Japon. Certes, l’élaboration de ces espaces ne provenait pas d’une conscience écologique précoce, mais ne dépendait-elle pas d’une compréhension originelle des rapports entre humain et nature ? Cela nous conduit ainsi à des interrogations : quels seraient les principes préalables à un art supposé écologique ? Pourquoi une étude sur les jardins japonais s’inscrirait-elle dans une telle démarche ?1. Espace médiateur, trouver l’équilibre
Que ce soit dans le paysage peint dit sansui[1] ou le jardin japonais, l’artiste met en scène des évocations provenant de l’observation de la nature. Il s’imprègne de paysage, d’environnement ; les transpose dans son œuvre, afin d’exprimer une sensibilité et des émotions. En Extrême-Orient, la création d’un paysage n’est pas dominée par un « ordre transcendant de la raison [2]. » Elle développe un grand nombre de polarités et de transitions dans un monde miniature. Comme ses opposés respirent entre eux, cet espace sur le papier ou en trois dimensions s’emplie de tension vitale. Transposé en jardin, un espace naturel devient miniature allégorique. Tout un univers se réduit à l’essentiel, à son essence, concentré d’énergie, d’élégance et de raffinement, conforme au sens du mot fūryu (souffle du vent en japonais). Dans le traité des jardins japonais, le Sakutei-ki [3], il est rappelé de « penser aux paysages naturels en s’efforçant de se remémorer leur configuration particulière […] faire sien les endroits intéressants et en reproduire dans le jardin, les principales caractéristiques en les simplifiant [4]. » La création des jardins japonais se nourrit au fil des siècles, de cette constante. Dans un esprit d’harmonie, il est important de souligner cette appartenance de l’homme à la nature — condition initiale pour trouver sa voie sur les chemins du Tao. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer du sens mais de révéler en toute chose, une beauté cachée, profonde et obscure. Le sentiment de la nature des Japonais s’exprime ainsi dans l’image de la montagne profonde, shinzan qu’on « associe volontiers à l’automne, ou celle du calme solitaire et mélancolique des hameaux de la montagne (yamazato-no sekiryō) [5]. » Dans les jardins japonais, il ne faut jamais perdre le sens de la nature. Si, comme le soulève Gilles A. Tiberghien, « l’exacerbation du sentiment de la nature sous la forme de son exaltation paysagère va de pair avec la conscience d’une capacité sans cesse accrue d’en dominer les forces matérielles[6] », les jardins japonais proviennent d’une recherche permanente de beauté en « accord » avec la nature. Cela suppose une intervention mesurée du jardinier, s’appuyant sur sa connaissance du vivant et du terrain. Par ailleurs, toute intervention humaine dans l’espace naturel admet une transformation et une substitution de l’environnement original. Mais en évoquant les beautés immanentes de la nature sauvage, l’intention des jardiniers Japonais s’avère différente : complétant le jardin de leur déambulation et de leur regard, les visiteurs développent une sensibilité paysagère et ressentent l’expression des jardiniers. Pareillement, quelques techniques contribuent à cet état :• Dans de nombreux jardins, même ceux des plus sophistiqués comme celui de la Villa Shugakuin (Kyôto,1659), les jardiniers emploient la technique d’emprunt de paysage[7] pour inclure et valoriser un paysage naturel. Situé en Chine, un jardin contemporain de Ishikawa Kei[8] reprend à sa façon cette idée : au-delà d’un parterre de mousse et de son traditionnel chemin de pierres que l’on saute (tobi-ishi), une palissade en bambou permet de rapprocher judicieusement, un grand immeuble de béton dont l’emplacement et l’orientation pourrait évoquer une montagne lointaine. Ce haut immeuble blanc, sans prétention, sorti de terre d’une ville “champignon”, n’aurait jamais trouvé son allégorie s’il n’était pas redécouvert par la vue dégagée qu’offre le jardin.
• À l’instar de ce que la nature offre, le jardin japonais peut apparaître dépouillé. Les paysages arides du jardin sec, karesansui, cultivent cette qualité. Élément central dans de nombreux jardins japonais, l’eau ici absente, est réintroduite d’une manière symbolique, réactivée par les vides entre des roches, le ratissage du gravier ou les karedaki (cascades sèches par assemblage de rochers). Si ce choix dépend souvent d’une volonté artistique, il semble quelque fois provenir des conditions même du terrain, sur lequel aucun étang ou cours d’eau n’est présent afin d’alimenter le futur jardin. Le karesansui répondait avant l’heure, à ces principes écologiques : simplicité, économie et faible impact sur l’environnement. Nul besoin de faire appel à de lourds travaux afin d’y transporter l’eau ou de modifier le tracé d’un cours d’eau. Par la force de sa subjectivité et de son dépouillement, il évoque des paysages célèbres, symbolisés par quelques formes minérales.
L’intérêt pour le dépouillement et la force subjective des jardins s’accompagnent d’un sentiment profond envers le périssable, les saisons, la vie éphémère. Comment cela favoriserait-il une pratique écologique ?2. L’éphémère : une écologie du temps ?
Lorsque les jardiniers japonais désignent un lieu particulier, privilégiant les éléments naturels d’un site, comme la lumière, le vent ou l’eau, ils emploient le terme fuzei [9], à la fois souffle du sentiment et esprit du lieu : expression de l’atmosphère unificatrice entre l’artiste, le paysage et le regardeur. C’est dans cet esprit que le jardinier met en relief ce que le lieu lui évoque intimement. Le fuzei s’affirme poétiquement autant dans la relation de la structure objective et subjective d’un jardin japonais, le tayori, que dans les éléments naturels. Cependant, la nature exprimée dans le jardin japonais n’est pas figée dans le temps, puisqu’il intègre en son sein des “transformations silencieuses”— changement des couleurs : feuillages et pierres ; modifications de la densité : arbres nus l’hivers, fleurs de prunier et de cerisier ; variations dynamiques : vent dans les feuillages, ruissellement de l’eau, sol humide ou asséché. Ces multiples “champs” du lieu s’interpénètrent et touchent les sens. Dès lors, le jardin devient un lieu propice à l’éphémère, détaché de toute superficialité. Devant l’altération des choses, la mélancolie ressentie révèle une beauté immanente, inhérente à la culture japonaise : les feuilles rougissantes de l’automne, la floraison des cerisiers (hanami) puis la dispersions des pétales sur le sol (chiru [10]). La forme de quelques pierres, la taille des pins, l’érosion des roches, les arbres au tronc penché d’un jardin japonais transposent des paysages balayés par le vent et les effets du temps. Ces particularités esthétiques témoignent du degré d’intrication entre monde humain et monde non-humain. Par l’entremise du taoïsme, du bouddhisme et du shintō, elles s’inscrivent dans la culture japonaise où, un arbre, un buisson, ou une pierre possède sa propre signification ou sensibilité. La nature ne pouvait être segmentée et pensée en termes de simple ressource. Au 20e siècle, le créateur et restaurateur de jardin japonais, Shigemori Mirei tentait de moderniser l’art des jardins sans pour autant tomber dans le piège d’influence occidentale [11] ou d’un conservatisme redondant [12]. Attaché au savoir des anciens, il persévérait à exprimer un sens profond à cet art, la nature et l’esprit sacré des rochers. Parfois en rupture avec les traditions, l’usage parcimonieux du bêton que Shigemori faisait onduler, était une manière conceptuelle de révéler les ondes cosmiques d'un jardin sec de la période Muromachi (1336-1573 environ). Cependant, ses œuvres particulières perpétuaient l’équilibre entre éléments artificiels et naturels. Le jardin nord du temple Tōfuku-ji (Kyôto, 1939) en est un exemple : une grille végétale et minérale, dont les carrés de pierre se raréfient graduellement, laisse place à une étendue totalement recouverte de mousse. De cette espace cinétique vallonné, on imagine aisément des collines et vallées miniatures façonnant ce tapis végétal. La mousse contraste avec les éléments assemblés géométriquement — alternance de l’artifice et du naturel. Le jardin de Shigemori présente une part non-négligeable laissé à l’imprévu et aux transformations naturelles. Cette démarche artistique mêlant vivant et non-vivant ne dois pas être discriminatoire, résulter d’une doctrine anthropocentrique. Elle peut associer connaissances de la nature et culture. Si le jardin japonais valorise le passage du temps dans son expression, lorsque son entretien cesse, il se transforme également très vite ; la part humaine s’efface, la végétation s’épaissit jusqu’à devenir une forêt : « Le jardinier, nous dit Gilles Clément, est acteur dans ce processus d’équilibre par rapport à l’ombre et la lumière. C’est l’une des choses les plus difficiles dans le temps, parce que malgré tout, cela se ferme — si on ne fait rien on fait une forêt [13]. » Les effets du temps — apparitions, transformations, altérations — nous enseignent l’humilité et les beautés essentielles de la vie. Prendre le temps d’observer et de ressentir cela, c’est lâcher prise et se rapprocher de la nature. Mais l’expérience physique du visiteur peut y contribuer également.3. Entre nature et corps : voie du milieu
Le jardin de thé [14] ou le jardin promenade [15] se composent de multiples décrochements, dénivelés, détours, et impasses. Une succession de chemins sinueux ritualisent la marche du visiteur. Passage vers la sérénité, ces jardins se pratiquent dans un déplacement physique et intériorisé, entre prise de conscience et détachement du corps. C’est une véritable culture du chemin[16], michi no bunka, dans laquelle il faut éprouver le temps. Mettant l’accent sur le dépaysement, la souffrance à endurer, et même, à risquer sa vie, le chemin suscite une errance permanente menant à l’expérience existentielle de l’impermanence de toute chose. Le chercheur et architecte Benoît Jacquet affirme qu’au Japon, le chemin est perçu comme un moyen de découverte et de connaissance du monde. Ainsi, le mot chemin, michi, s’écrit 道 mais quelque fois avec les kanjis 美智 qui signifient belle connaissance [17]. Dès lors, la marche effectuée dans un jardin peut être envisagée comme une expérience nécessaire à l’apprentissage de la vérité. On peut appréhender la voie dans les arts comme un “passage où il faut cheminer” dans un sens concret et subjectif, préférablement à la destination ou à la vue panoramique dont, la connotation serait d’ordre purement fonctionnel ou égoïque. En affirmant les principes de la simplicité, sabi (la patine des choses) [18], le cœur du jardin de thé concentre tout ce qui l’environne et toutes les émotions. Mais il offre une expérience de la transition ; la voie ainsi, se trace sur le sol du jardin. Les jardins japonais ne possèdent pas de milieu, pas de centre. Ils se conçoivent dans la profondeur ; liés au parcours, ils déterminent le mouvement. Ainsi, la création d’un jardin et son exploration s’envisage comme une « quête à vivre », une voie dont il faut faire l’expérience. En effet, transposés dans de nombreux jardins, la complexité du parcours d’un sentier de forêt ou de montagne, procure une impression d’éloignement. Ces chemins affectent le corps et l’esprit de l’individu, l’incitant à se concentrer sur l’acte de la déambulation. Le visiteur se remplit d’expériences pendant sa traversée et s’allège de toutes pensées encombrantes. Il s’enrichit en s’appauvrissant, s’ouvrant à l’espace et au mouvement. En se « vidant », il devient un contenant dans lequel les expériences se transforment en émotions. C’est par ce mouvement que le corps apprend et c’est dans le corps que l’esprit se met en marche. Il se produit ainsi, un va-et-vient entre le milieu et l’individu par l’intermédiaire de ses sens. L’expérience sur les chemins place le visiteur dans un processus d’oubli de soi et d’entente authentique avec les éléments. Le philosophe Nishida Kitarō explique que le “je” véritable ne peut être « séparé de la médiation corporelle et, par extension, des choses matérielles et biologiques, mais est en relation avec elles [19]. » Selon lui, la personnalité ne se définit pas à partir de la raison ; son origine provient du corps et de la sensibilité. Nishida admet cette double détermination comme dialectique : « Ce mouvement par lequel le milieu détermine l’individu et l’individu le milieu, et qui permet par la même occasion une véritable connaissance de l’individu [20]. » Selon le philosophe, la relation entre l’être et le milieu est la plus fondamentale de toutes. Ainsi, reconnaître cette interdépendance peut se révéler bénéfique à une réconciliation entre culture et nature. Le jardin japonais est principalement un phénomène urbain ayant « toujours existé comme un délicat chevauchement de la nature et de l'architecture »[21] explique Günter Nitschke. Mais s’oppose, selon lui, aux quelques jardins récents constitués de métal et de plastique et perçus exagérément par leurs auteurs, comme « une seconde nature ». Aujourd’hui, les jardins japonais traditionnels continuent d’impressionner pour leurs qualités intrinsèques et leur longévité ; ils n’ont pas perdu de l’intérêt auprès de ceux qui les visitent ou les entretiennent. Alors que la vie et l’art en Extrême-Orient sont profondément liés, ces jardins s’accordent dans cette voie du milieu : ils s’inscrivent dans un constant réajustement entre acte artistique et place accordée à la nature — somme toute, il s’y exprime une écologie spontanée.Épilogue
Le jardin japonais se conçoit comme trait d’union entre les espaces humains et non-humains. Il ne s’agit pas seulement d’évoquer un beau paysage mais de lier le cœur de la nature à celui des hommes. En ce sens, les oppositions et les discriminations disparaissent. Gilles Clément observe cette réalité dans ses propres jardins :Dans mon jardin, on aboutit à l’idée que l’on fait avec et pas contre, que tout est lié entre les êtres, même si on est dans un exemple où il y a une certaine circonscription perceptible par les limites visuelles. Mon sentiment est que l’espace se lie à celui d’à côté, et que les animaux vont dans tous ces endroits tout comme l’air et l’eau qui agissent dessus [22].
L’artifice et le naturel réconciliés, l’art du jardin admet à la fois un imaginaire et une connaissance des complémentarités entre humains et non humains. Dès lors, il peut devenir autre chose qu’un simple décor ou s’exprimerait l’égo du commanditaire ou du jardinier. Œuvre également périssable, le jardin japonais invite à prendre conscience de notre présence éphémère et de notre place dans la nature. Il se conçoit comme intervalle transitoire ; il cultive la voie du fluant et de l’immuable ; il s’envisage comme un temps d’achronie, un lieu du dehors. Symboliquement, la progression sur des parcours sinueux parsemés d’obstacles d’un jardin japonais, répond à cette double nécessité : le visiteur doit « s’oublier » en se détachant de son ego ; s’unir au vide de la nature, entretenir profondément une relation dynamique avec son milieu, apprendre à le connaître : voie d’harmonie et voie du temps, favorables à une conscience écologique. IllustrationsExemple de peinture sansui caractéristique, dont les éléments se rapprochent de l’esthétique des jardins japonais. Kano Tan'yu, Paysage des quatre saisons, vers 1630, encre sur papier, double paravent à 6 feuilles, chacun: 153,4 × 352,7 cm, Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis.
Mirei Shigemori, Jardin sec de contemplation du Tōfuku-ji, 東福寺, années 1930, temple fondé en 1236, Kyōto, Japon, Teddy Peix.
Kobori Enshu, Jardin de contemplation du Konchi-in, 金地院, vers 1630, temple du Konchi-in, Kyoto, Japon, TP.
Kobori Enshu, Jardin de contemplation du Konchi-in, 金地院, vers 1630, temple du Konchi-in, Kyoto, Japon, TP.
Jōzan Ishikawa, Jardin roji du Shisen-dō, 詩仙堂, 1641, temple Shisen-dō Jozanji, Kyoto, Japon, TP.
Iwasaki Yatarō, Jardin promenade du Kiyozumi Teien, 清澄庭園, construit entre 1878 et 1885, Tokyo, Japon, TP.
Tsubo-niwa, Jardin-cours du Nanzen-ji, 南禅寺, temple fondé en 1291, Kyoto, Japon, TP.
Jardin du Nanzen-ji, 南禅寺, temple fondé en 1291, Kyoto, Japon, TP.
Jardin du Enkō-ji, 円光寺, temple fondé en 1601, Kyoto, Japon, TP.Bibliographie BERQUE, Augustin, « Ma, Oku, Seken, Ta, Wabi/Sabi », consulté en mai 2014, [http:// ecoumene.blogspot.fr /2012 / 05/ la-spatialite-nipponne-lindex-berque.html] BERQUE, Augustin, Le Sauvage et l’artifice, Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986 BERQUE, Augustin, Vivre l’espace au Japon, Paris, Presses Universitaires de France, 1982 BONNIN, Philippe, Katsura et ses jardins, Un Mythe de l’architecture japonaise, Paris, Éditions Arléa, 2019 BONNIN, Philippe, NISHIDA Masatsugu, INAGA Shigemi (dir.), Vocabulaire de la spatialité japonaise, 日本の生活空間, Paris, CNRS Éditions, 2014 BUCI-GLUCKSMAN, Christine, L’Esthétique de l’éphémère, Paris, Galilée, 2003 CHENG, François, Souffle-Esprit, Textes théoriques chinois sur l’art pictural [1989], Paris, Seuil, collection « Points Essais », 2006 CLEMENT, Gilles et PEIX, Teddy, entretien, Paris, 2015 DESCOLA, Philippe, L’écologie des autres, L’anthropologie et la question de la nature, Versailles, Éditions Quæ, 2011 HLADIK, Murielle, Traces et fragments dans l’esthétique japonaise, Wavre (Belgique), Éditions Mardaga, 2008 ISHIKAWA, Kei, « Les Jardins japonais », conférence à la Maison de la culture du Japon, Paris, 19 mai 2016 JULLIEN, François, Vivre de paysage ou l’impensé de la Raison, Paris, Gallimard, 2014 KAMO no Chōmei, URABE Kenkō, Les Heures oisives, suivi de Kamo no Chōmei, Notes de ma cabane de moine, Paris, Gallimard/ Unesco, 1968 KOREN, Leonard, Wabi-sabi, Vannes, Éditions Sully, collection « Le Prunier », 2015 KUITERT, Wybe, Themes in the history of Japanese garden art, Honolulu, University of Hawai’i Press Editions, 2002 LINHARTOVÁ, Vera, Sur un fond blanc, Écrits japonais sur la peinture du IXe au XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1996 MURAKAMI-GIROUX, Sakae, FUJITA, Masakatsu, FERMAUD, Virginie (dir.), Ma et Aida, Des Possibilités de la pensée et de la culture japonaises, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2016 NITSCHKE, Günter, Le Jardin japonais, Angle droit et forme naturelle [1991], Cologne, Taschen, 2007 OKAKURA, Kakuzō, Le Livre de thé [1906], Arles, Philippe Picquier, 2006 PIGEOT, Jacqueline, Michiyuki-bun, Poétique de l'itinéraire dans la littérature du Japon ancien, Paris, G.-P. 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Genre pictural qui serait apparu au IVe siècle en Chine. D’autres arts expriment le paysage tels que la poésie, la musique, la céramique et les jardins. Le couple montagne-eau indique que l’un ne va pas sans l’autre, ils se complètent, se répondent, « s’accouplent ». Ils vont de pair comme tous les êtres avec leur milieu. [2] François Jullien, Vivre de paysage ou l’impensé de la raison, Paris, Gallimard, 2014, p. 165. [3] Traduit couramment “Livre de conception des jardins”. À la fin du XIe siècle Tachibana no Toshitsuna, (1028-1094) aurait écrit le traité du Sakutei-ki. Cependant, il semble qu’il ne lui ait pas donné de titre. « Son texte fut tout d’abord appelé, à partir de l’époque de Kamakura (1185-1333), Senzai hishō, 前栽秘抄, ou Livre secret des jardins. Le titre par lequel nous le désignons aujourd’hui, Sakutei-ki 作庭記, De la création des jardins, apparaît pour la première fois en Kanbun 6 (1666, période Edo), dans le colophon d’un manuscrit du traité. » Michel Vieillard-Baron dans Tachibana no Toshitsuna, Michel Vieillard-Baron (trad.), De la création des jardins, Traduction du Sakutei-ki作庭記, Tōkyō, Maison Franco-Japonaise, 2003, p. 1. [4] Tachibana no Toshitsuna 橘俊綱, op. cit., p. 18. [5] Augustin Berque, Vivre l’espace au Japon, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 99. [6] Gilles A. Tiberghien, Nature, Art, Paysage, Arles, Actes Sud/École Nationale Supérieure du paysage, 2001, p. 18-19. [7] Shakkei 借景 : emprunt de paysage. « Le shakkei est une technique paysagère qui permet de faire entrer cet « extérieur, c’est-à-dire intégrer un paysage naturel, un monument ou tout autre élément environnant à l’intérieur de la composition du jardin. On brouille les repères et ainsi la frontière disparaît, au moins visuellement. En japonais on ne parle plus alors de haikei 背景 (arrière-plan), mais de shakkei 借景, (emprunt de paysage). » Emmanuel Marès, « Shakkei » dans Philippe Bonnin, Nishida Masatsugu, Inaga Shigemi (dir.), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2015, p. 407. [8] Ishikawa Kei, « Les Jardins japonais », conférence à la Maison de la Culture du Japon, Paris, 19 mai 2016. [9] Fuzei 風情 : « littéralement, cette expression signifie quelque chose comme le souffle du sentiment. Il s’agit de l’atmosphère d’un lieu. » Günter Nitschke, Le Jardin japonais, Angle droit et forme naturelle [1991], Cologne, Tashen, 2007, p. 60. [10] Le cerisier Yoshino est (染井吉野, Somei Yoshino) la variété préférée des Japonais. Ses fleurs sont d'un blanc presque pur teinté du rose le plus pâle. Lorsque les pétales de ces fleurs “tombent”, les Japonais disent, de préférence, qu’elles “se dispersent” (散る, chiru). [11] Les recherches anthropologiques de Philippe Descola révèlent que le terme de nature est un concept historiquement et géographiquement localisé. « Car depuis plusieurs siècles en Occident, la nature se caractérise précisément par l’absence de l’homme, et l’homme par ce qu’il a su surmonter de naturel en lui. » Philippe Descola, L’écologie des autres, L’anthropologie et la question de la nature, Versailles, Éditions Quæ, 2011, p.100. [12] La plupart des contemporains de Shigemori Mirei, construisaient des jardins en imitant ceux du passé, sans comprendre et développer les principes que leur léguait leurs prédécesseurs. Ils devenaient selon lui, de simples paysagistes. [13] Gilles Clément, extrait d’un entretien, Paris, 2015. [14] Roji : Selon le kanji utilisé aujourd’hui, roji signifie : terre de rosée, étendue de terre non couverte. Considéré avant tout comme lieu de passage, les jardins de ce type proposent véritablement une mise en scène singulière de la traversée. Le sens premier de roji, jardin qui mène au pavillon de thé, évoque un parcours permettant aux invités de se concentrer sur la cérémonie de thé imminente, la voie du thé, nommé sado (ou chadō 茶道). [15] Kaiyūshiki teien : Ce type de jardin est apparu dans la période Edo, et se démarque par ses dimensions plus imposantes. À l’intérieur nous constatons que ces jardins intègrent de nombreux éléments caractérisant ceux des époques antérieures : étangs, îles, montagnes, rivières, chutes d’eau, pierres, graviers... Nous pouvons nous y promener, contempler certains points de vu offerts depuis l’intérieur d’un temple ou d’un palais. De nos jours, après avoir été les résidences secondaires des daimyos (gouverneurs de province), ils sont devenus des parcs publics. [16] Elle dépend du bouddhisme japonais — butsudō, la voie du Bouddha —, du Dao [16] — Voie en Chine —, du shintō — voie des divinités. Ce principe de voie religieuse, philosophique, morale ou de la raison, a pour origine l’entrée dans la voie (nyūdō 入道) qui se réfère à la vie d’ascète du Bouddha. Dans les récits de voyage du Japon ancien, il est évoqué l’influence du bouddhisme : « (...) l’un des principes fondamentaux est de fuir (le monde) pour se cacher (dans la nature) inton 隠遁, et ainsi, grâce au pèlerinage, de se purifier le cœur en contemplant les lieux sacrés (...) » Benoît Jacquet, « Michi » dans Philippe Bonnin, Nishida Masatsugu, Inaga Shigemi (dir.), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, p. 327. [17] On se référera au texte de Benoît Jacquet, « Michi », op. cit. [18] Sabi 寂 : Ce comprend ici comme la patine du temps observée concrètement dans un jardin de thé. Wybe Kuitert montre l’influence de la beauté littéraire classique de l’époque Heian (794-1185) comme la recherche de la simplicité dans la manière de conduire une cérémonie de thé et de concevoir les jardins au 16e – 17e siècle. Wybe Kuitert, Themes in the history of Japanese garden art, Honolulu, University of Hawai’i Press Editions, 2002, p. 201 et suiv. Ainsi, les ustensiles de la cérémonie de thé devaient être simples, sans prétention, utiliser des matériaux considérés comme nobles, rustiques. Pour un jardin de thé, des matériaux étaient utilisés pour leur altération particulière, par exemple : pierre prématurément érodée, vieille poutre, feuilles mortes ou aiguilles de pin disposées sur le sol. Mais, cet idéal esthétique s’invite dans le regard que l’on porte aujourd’hui, sur de nombreux autres architectures ou jardins anciens du monde. [19] Nishida Kitarō, 西田幾多郎 (1870-1945), Nishida Kitarō Zenshū (œuvres complètes de Nishida Kitarō), tome 12, Tōkyō, Iwanami Shoten, 1978, p. 19 dans Jacynthe Tremblay, « Le Milieu comme lieu interrelationnel chez Nishida », juillet 2017 : [https://www.academia.edu/23920850/Le_milieu_comme_lieu_interrelationnel_chez_Nishida] [20]Jacynthe Tremblay, « Le Milieu comme lieu interrelationnel chez Nishida », op.cit. [21] Christian Tschumi, Mirei Shigemori, Rebel in the garden, Basel-Boston-Berlin, Birkhäusser Editions, 2007, p. 13. [22] Gilles Clément, op.cit.