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L’artiste interrompu : Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978 [O artista interrompido: Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978]

L’artiste interrompu : Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978 [O artista interrompido: Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978]


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Table des matières

Note : Cet article est présenté dans deux versions : d’abord en français puis en portugais.

 

La vaste bibliographie sur l’art et l’exil distingue habituellement deux groupes. Le premier est constitué d’artistes ayant émigré après avoir été consacrés dans leur pays d’origine. Parmi ceux passés par le Brésil, Lasar Segall, Maria Helena Vieira da Silva et Ernesto de Fiori, en sont de bons exemples. Le second groupe, moins évident, est constitué d’artistes qui ont émigré jeunes et ont établi leur carrière dans leur pays de destination. Dans le contexte brésilien, on peut citer les exemples de Franz Weissmann, Tomie Ohtake, Mira Schendel et Anna Maria Maiolino, entre autres. Ce qui unit ces deux catégories, c’est la reconnaissance. Tôt ou tard, leurs représentants ont reçu une consécration critique, les insérant dans la longue tradition artistico-historique de raconter la vie des grands artistes. Il existe un troisième groupe dont on se souvient peu. Ce sont ceux qui, sur le chemin de l’exil, ont été obligés d’interrompre leur carrière avant leur reconnaissance dans leur pays d’origine et qui n’ont jamais réussi à se remettre de cette rupture dans leur destination migratoire. Il existe toute une génération perdue dans le monde, principalement à cause de la Seconde Guerre mondiale1.

L’artiste connu en Allemagne sous le nom de Wolf Demeter, et d’André Denis au Brésil, occupe une position que l’on pourrait qualifier de limbes de la consécration. On ne parle ni d’un inconnu ni d’un disqualifié.

 

[Figure 1]

 

[Figure 2]

 

Dans sa phase européenne, Wolf Demeter a réalisé des expositions individuelles dans d’importantes galeries et, au début des années 1930, a travaillé comme assistant du célèbre sculpteur Aristide Maillol. Alors qu’au Brésil, le nom d’André Denis est cité dans les dictionnaires et encyclopédies d’art pour son travail entre les années 1950 et 1970. Après son décès, un hommage fut rendu à l’artiste à travers deux expositions rétrospectives au Musée d’Art de São Paulo (Masp), en 1980 et 1993, en plus de l’inclusion de son œuvre dans le livre Un siècle de sculpture au Brésil2 (1982). Néanmoins, malgré ces consécrations, son travail n’est pas dûment inscrit dans l’histoire de l’art brésilien.

Avant d’aller plus loin, par honnêteté intellectuelle, il est nécessaire de rappeler un détail crucial : André Demeter-Denis (tel que son nom fut légalement établi à la fin de sa vie) était mon grand-père paternel. L’aperçu biographique qui suit est, par conséquent, autant un témoignage personnel qu’une réflexion studieuse. Si j’occupe aujourd’hui la position d’attestataire de Wolf Demeter/André Denis, j’aimerais utiliser ma qualification comme historien de l’art pour restituer sa vie et son œuvre à la communauté plus large des chercheurs.

Trajectoire interrompue

Wolf Demeter est né à Würzburg le 14 septembre 1906, seul enfant d’Adolf Demeter, fonctionnaire public, et de Marie Christine von Bezold. Son nom de baptême était Adolf Ernst Edwin Aloys Demeter, Wolf étant un surnom. En 1908, son père est muté à Berlin, où il occupe un poste de direction à l’office des brevets (Reichspatentamt) jusqu’à sa mort en 1930. Le jeune Demeter fut élevé dans le quartier berlinois de Zehlendorf. Il existe peu de données concrètes sur sa formation artistique. Des décennies plus tard, il consignera dans des récits autobiographiques qu’il fut l’élève du sculpteur Arminius Hasemann à Berlin. Selon ces mêmes récits, l’artiste a effectué dans sa jeunesse un long voyage au Moyen-Orient, et a passé une saison en Grèce, où il aurait été l’élève du sculpteur Thomas Thomopoulos à Athènes3. En juillet 1929, à 23 ans à peine, il se marie à Berlin avec Ursula Barbara Simon (tout juste 18 ans), fille aînée du banquier, activiste, collectionneur d’art et mécène Hugo Simon4.

Les vastes relations sociales de son beau-père ouvrirent de nouvelles perspectives à Wolf Demeter. Au milieu des années 1930, le jeune artiste suivit de près la visite d’Aristide Maillol en Allemagne, cohabitant ainsi de façon intime avec le sculpteur français5. Il est probable que ce rapprochement ait été favorisé par Harry Graf Kessler, ami d’Hugo Simon et grand soutien de Maillol en Allemagne6.Aux environs de cette époque, Simon fit l’acquisition d’une version en plomb de la sculpture Monument à Cézanne (1907-1925), signée Maillol. Le 15 juillet 1930, il reçoit le sculpteur dans sa résidence berlinoise comme invité d’honneur lors d’un déjeuner auquel étaient présents Albert Einstein, Max Liebermann, Julius Meier-Graefe et Renée Sintenis, en plus de Kessler7. C’est aux environs de cette époque que Demeter commença à travailler comme assistant de Maillol. Nous savons, grâce à leurs propres récits, que Wolf et Ursula vivaient déjà entre Berlin et Paris. Le fils unique du couple, Roger, naquit à Paris en 1931, alors que ses parents étaient domiciliés à Louveciennes, commune voisine de Marly-le-Roi, où résidait Maillol8.

La carrière artistique de Wolf Demeter s’est développée de façon prometteuse au début des années 1930. Sa première exposition individuelle, comportant des sculptures et des dessins, eut lieu à la Galerie Ferdinand Möller en juin 1932. La galerie était alors l’une des plus importantes de Berlin pour l’art moderne, accueillant à la même époque des expositions d’Erich Heckel, Wassily Kandinsky, Otto Mueller, Karl Schmidt-Rottluff, ainsi que d’autres artistes moins connus9. Le texte d’introduction au catalogue, signé par Harry Graf Kessler, confirme sa filiation artistique avec Hasemann, Thomopoulos et Maillol, mais éloigne le jeune disciple de la « poésie et du ravissement érotique » de ce dernier. Pour Kessler, Demeter avait un tempérament « nettement nordique, acide et dur », méfiant à l’égard des traditions reçues et engagé dans le défi de façonner de nouvelles possibilités de création plastique à partir de « l’objectivité implacable » caractéristique « des meilleurs jeunes Allemands de sa génération10 ».

Toujours en 1932, entre autres articles de presse, Demeter fut l’objet d’un compte rendu détaillé dans le magazine Die Kunst für Alle (L’art pour tous). Le texte, signé par l’historien de l’art et à l’époque directeur de la Kunsthalle de Brême, Emil Waldmann, loue l’expressivité de ses reliefs et de ses sculptures et leur attribue « une grâce ingénue qui rappelle subitement le peintre Bonnard11 ».

 

[Figure 3]

 

[Figure 4]

 

À 26 ans, l’artiste gravissait rapidement les marches de la reconnaissance. L’année suivante, en novembre 1933, il partagea une exposition à Amsterdam, dans la galerie J. Goudstikker, avec la peintre néerlandaise Charley Toorop, de quinze ans son aînée et bien introduite dans les milieux d’avant-garde12.[Fig. 5] Malgré le style archaïque de ses œuvres, en particulier les reliefs en pierre, qui suscitèrent des comparaisons avec l’Égypte et la Grèce, l’œuvre de Demeter s’inscrit dans la production de l’art moderne en Allemagne, dans une époque d’hétérogénéité qui a suivi la Neue Sachlichkeit.

 

[Figure 5]

 

Au terme de son travail avec Maillol, Demeter s’installa avec sa famille à Nice, vers la fin de l’année 1932, avec des allers-retours à Berlin pour honorer ses commandes. Avec l’ascension au pouvoir du parti National-Socialiste, son destin professionnel changea. Hugo Simon faisait partie de la première vague d’opposants au régime nazi à quitter Berlin pour s’exiler à Paris, dès mars 1933. Outre son activisme culturel et le fait d’être juif, il était visé pour sa proximité avec les milieux socialistes et communistes. Avec la désagrégation du cercle autour de son beau-père, Demeter retourna à la précarité commune aux jeunes artistes. Il se vit interdit de travailler en Allemagne, après septembre 1933, pour ne pas s’être affilié au nouvel organisme officiel de contrôle de la production artistique (Reichskulturkammer). Lorsque furent promulguées les lois de Nuremberg en septembre 1935, il se vît interdit de voyager dans son pays natal, ayant une femme juive et un enfant considéré comme hybride (Mischling) par les lois raciales. La petite famille resta dans le sud de la France et s’installa en 1937 dans la commune de Grasse, où Demeter acheta une propriété et commença à travailler dans l’arboriculture fruitière et l’aménagement paysager.

Avec l’éclatement de la guerre en Europe, la situation s’aggrava. En tant qu’immigrant allemand en France, Demeter fut emprisonné deux fois dans des camps d’internement pour étrangers ennemis. À ce moment, il se rapprocha du mouvement naissant de résistance antinazi et, faisant valoir ces relations, parvint à obtenir de faux passeports français pour lui-même et les membres de sa famille proche (femme, fils, belle-sœur), sous le nom de guerre d’ « André Denis ». Avec ces documents, ils parvinrent à obtenir des visas pour quitter la France et embarquer pour le Brésil, en transitant par l’Espagne. La famille franchit la frontière à pied jusqu’à Port Bou le 7 janvier 1941, et atteint Rio de Janeiro le 3 février, à bord du navire Cabo de Buena Esperanza, en provenance de Vigo. Arrivés au Brésil, selon ses propres dires, avec trois dollars américains en poche, sans contacts et sans parler le portugais, ils durent lutter pour leur survie. Ils partirent pour l’Argentine en novembre, mais revinrent au Brésil trois mois plus tard13.

Empruntant l’identité d’un supposé citoyen français au Brésil, André Denis connut une série d’emplois plus ou moins irréguliers qui lui permirent de survivre à cette période de guerre. En collaboration avec son beau-père, qui vivait également au Brésil sous une fausse identité, il travailla en 1942 pour la Companhia Agrícola Plamed, aidant à l’exploitation d’une ferme à Penedo, dans l’État de Rio de Janeiro, pour la plantation et la production d’extraits médicinaux. En 1943, il fut engagé par l’intervenant étatique Manoel Ribas, pour collaborer à l’implantation d’écoles rurales dans l’État de Paraná. Entre 1945 et 1946, il travailla pour une usine de papier à Pindamonhangaba, État de São Paulo. Il fournissait des services dans les domaines de l’agronomie, l’architecture, l’ingénierie et le paysagisme, bien que ne possédant aucun diplôme dans ces domaines. À la fin de la guerre, ne pouvant rentrer en Europe, on lui conseilla de conserver son identité d’emprunt pour continuer à vivre au Brésil. Dans les années d’immédiate après-guerre, il résida à Campos do Jordão, État de São Paulo, où il s’impliqua dans la construction et la décoration d’hôtels. À cette époque, il fréquentait Lasar Segall. En 1952, il fut engagé par Indústrias Klabin de Papel e Celulose pour travailler dans sa division de Génie Civil et commença à collaborer avec leur grande usine de papier construite dans l’État de Paraná, au milieu de la forêt, emploi qu’il conserva pendant dix ans, vivant loin des grandes capitales.

Le retour en tant qu’artiste

Durant la période turbulente qui s’étend du début des années 1930 jusqu’au milieu des années 1960, Wolf Demeter/André Denis tenta de maintenir son activité artistique, bien que sa production ait été limitée au cours de ces trois décennies. Dès que cela était possible, il profitait de ses connaissances techniques pour produire des œuvres d’art appliqué et/ou décoratif. En 1950, il participa au Salon National des Beaux-Arts à Rio de Janeiro, dans la section des arts appliqués, avec deux cendriers en laiton et un plat ornemental en cuivre14. C’est en 1959, à une époque où il vivait encore à l’intérieur de l’État du Paraná, qu’il organisa son retour dans le milieu artistique, de façon conséquente, avec une exposition à la Galeria Ambiente de São Paulo (Rua Martins Fontes, 205), annoncée comme la première exposition individuelle de l’artiste au Brésil. Composée de sculptures en bronze, en pierre et en céramique, de bas-reliefs, de dessins et de monotypes, l’exposition eut des répercussions dans la presse de São Paulo15. Plus important encore, elle attira l’attention du couple Pietro Maria et Lina Bo Bardi, ainsi que du critique Geraldo Ferraz, donnant lieu à un compte-rendu détaillé dans le magazine Habitat, l’un des périodiques les plus influents sur l’art et l’architecture modernes au Brésil.

 

[Figure 6]

 

Le texte, largement favorable, positionne André Denis comme « un artiste qui appartient à la génération des rénovateurs de la figure humaine à travers la forme, et qui donne au corps une nouvelle sensation ». À l’heure triomphale de l’abstractionnisme à São Paulo et, en particulier, des affrontements entre Art Concret et Néo-Concrétisme, l’art figuratif de Denis pouvait facilement être vu comme rétrograde.

 

[Figure 7]

 

[Figure 8]

 

Le compte-rendu de la revue Habitat anticipait cette critique : « loin d’être une rétroactivité, une insertion volontaire dans l’académisme, c’est la preuve que « l’espace » du dessin et la « substance » de la sculpture […] peuvent encore et toujours […] être quelque chose de nouveau, moderne, artistique, évolué et valide ». Le texte s’attache également à distinguer l’artiste – présenté comme « ingénieur et architecte » – du biais constructif dominant à l’époque dans la sculpture, et de l’affilier plutôt à un renouveau de la tradition humaniste, dans l’esprit de Maillol, concluant que ses œuvres « marquent un événement dans notre temps16 ».

Au terme de son emploi chez Klabin en 1962, André Denis mit fin à son séjour prolongé loin des centres urbains. Il s’installa d’abord à Curitiba puis, à São Paulo en 1969, où il fit construire une maison dans le quartier d’Interlagos, alors considéré comme isolé. La maison où il vécut jusqu’à son décès en 1978 devint une sorte d’œuvre d’art totale, contenant des peintures et des sculptures, des meubles, des objets décoratifs et des ustensiles domestiques, presque tous créés par l’artiste. À cette époque, sa production d’arts appliqués et décoratifs prit de l’ampleur. Outre la décoration de deux résidences dans l’État d’Espírito Santo, il réalisa des panneaux décoratifs pour divers édifices dans la ville de São Paulo. Il réalisa plusieurs commandes privées dans le domaine de la sculpture, en particulier des personnages grandeur nature en bronze, ainsi qu’un buste de John F. Kennedy pour un monument conçu pour la Rodovia do Café.

 

[Figure 9]

 

Entre 1970 et 1972, il établit une relation avec la Galerie Chelsea (Rua Augusta, 3857), qui commença par une exposition individuelle et se poursuivit avec sa participation à des expositions collectives subséquentes. De façon sporadique, il participa également à d’autres expositions collectives, comme celle d’artistes travaillant avec l’émail, un matériau qu’il appliquait aussi bien sur des plaques de cuivre que sur des céramiques17.

Sur le plan personnel, ce fut également une période de reprise des choses abandonnées lors de la fuite d’Europe. En 1964, l’artiste, son épouse et sa belle-sœur parvinrent à obtenir de nouveau leur nationalité allemande, initiant un long processus bureaucratique qui aboutit en 1972 à la rectification de leur identité. Dès lors, il assuma légalement le nom d’André Demeter-Denis. Pour autant, cette réintégration ne se traduisit pas en une reprise de sa carrière perdue. La promesse de réintégration dans le circuit des expositions, rallumée par l’exposition de la Galerie Ambiente, ne se concrétisa jamais. Denis avait presque 53 ans lorsqu’il apparut au public brésilien en 1959. Bien que débutant dans ce contexte, il était déjà un artiste au langage consolidé ; et sa production, majoritairement figurative, allait à contre-courant de la vogue abstractionniste. La façon presque défensive dont Habitat fit l’éloge de ses œuvres témoigne des difficultés de les insérer dans un contexte de polarisation et de querelles doctrinales. Pour ne rien arranger, l’artiste était privé d’une sociabilité peu encline au battage médiatique et à la flatterie, aggravée par des décennies de fuite et d’isolement.

Après sa mort, André Denis fit l’objet d’une rétrospective au Masp en mars 198018. En décembre 1986, ses œuvres firent l’objet d’une autre rétrospective au Trilema Espaço Cultural (Alameda Fernão Cardim, 11). À cette époque, une tragédie s’abat sur la famille. À la suite du décès presque simultané de la belle-sœur de l’artiste, à São Paulo, et de son fils unique, aux États-Unis, une grande partie de son œuvre, conservée jusqu’alors dans la maison d’Interlagos, fut donnée au Foyer Golda Meir, dans l’intention d’être intégrée à la collection d’un futur Musée Judaïque (Rua Coronel Lisboa, 139), alors en cours de création. Ces œuvres en ressortirent pour une seconde rétrospective au Masp en mars 199319. L’œuvre d’André Denis fut également exposée (aux côtés de Victor Brecheret, Alfredo Ceschiatti et Bruno Giorgi) lors de l’exposition Maillol et la sculpture moderne brésilienne, organisée parallèlement à l’exposition Aristide Maillol, à la Pinacothèque de l’État de São Paulo en 1996. En 2003, lors de la restructuration du Foyer Golda Meir en Centre Résidentiel Israélite Albert Einstein, la collection fut vendue et lamentablement dispersée.

Remodeler les traces effacées 

Derrière l’exercice de récupération de la trajectoire de Wolf Demeter/André Denis, se pose une question méthodologique. Que faire des nombreux artistes qui n’entrent dans aucun paradigme d’identité nationale, de courant stylistique ou de filiation à un mouvement, mais dont les œuvres méritent d’être contemplées et préservées ? En d’autres termes, quelle place pouvons-nous attribuer à ces artistes interrompus, consignés au silence historiographique dans un non-lieu ? C’est à nous, historiens, qu’il incombe de rassembler les fragments et de chercher à resituer dans le présent ces expériences englouties par la voracité du temps et des circonstances. Comme tant de survivants et de réfugiés de guerre, Demeter-Denis n’a jamais cherché à se positionner en tant que victime. Au contraire, il a lutté de toutes ses forces pour surmonter les calamités et miser sur le présent. Paradoxalement, le fait d’avoir réussi à ne pas revisiter le passé a peut-être contribué à l’effacement de sa mémoire en tant qu’artiste. Serions-nous aujourd’hui capables de regarder en marge et entre les lignes du grand récit moderniste, et de réintégrer dans sa structure ce qui a été effacé ? L’effort rendrait grandement service à un avenir qui s’annonce chaque fois de plus en plus fragmentaire.

 

—— Texte en portugais ——

O artista interrompido: Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978

A extensa bibliografia sobre arte e exílio costuma distinguir dois grupos. O primeiro é constituído por artistas que migraram já consagrados em seus países de origem. Com passagem pelo Brasil são exemplares dessa condição Lasar Segall, Maria Helena Vieira da Silva e Ernesto de Fiori. O segundo, menos evidente, é constituído por artistas que migraram ainda jovens e construíram suas carreiras no país de destino. No contexto brasileiro, podem ser citados os exemplos de Franz Weissmann, Tomie Ohtake, Mira Schendel, Anna Maria Maiolino, entre outros. O que une essas duas categorias é o reconhecimento. Cedo ou tarde, seus expoentes obtiveram a consagração crítica, o que os insere na longa tradição arte-histórica de narrar as vidas dos grandes artistas. Há um terceiro grupo pouco lembrado. São aqueles que, ao partirem para o exílio, se viram obrigados a interromper a carreira antes da consagração no país de origem e que nunca chegaram a se refazer dessa ruptura no destino de migração. Existe toda uma geração perdida, mundo afora, principalmente em função da Segunda Guerra Mundial20. 

O artista conhecido como Wolf Demeter, na Alemanha, e como André Denis, no Brasil, ocupa uma posição que poderia ser chamada de limbo consagratório. Não se trata de um desconhecido ou desqualificado. Em sua fase europeia, Wolf Demeter realizou exposições individuais em galerias importantes e, no início da década de 1930, trabalhava como assistente do renomado escultor Aristide Maillol. 

 

[Figure 10]

 

[Figure 11]

 

Já no Brasil, o nome André Denis consta de dicionários e enciclopédias de arte por sua atividade entre as décadas de 1950 e 1970. Após sua morte, o artista foi contemplado com duas exposições retrospectivas no Museu de Arte de São Paulo (Masp), em 1980 e 1993, além de ter sua obra incluída no livro Um século de escultura no Brasil (198221). Porém, apesar dessas chancelas, sua atuação não está devidamente inserida na história da arte brasileira. 

Antes de prosseguir, por honestidade intelectual, é preciso assinalar um detalhe crucial: André Demeter-Denis (conforme seu nome ficou legalmente estabelecido ao final da vida) era meu avô paterno. O apanhado biográfico a seguir é, portanto, tanto testemunho pessoal quanto reflexão estudiosa. Se hoje ocupo a posição de atestante de Wolf Demeter/André Denis, gostaria de usar minha qualificação como historiador da arte para devolver sua vida e obra para a comunidade mais ampla de pesquisadores. 

Trajetória interrompida 

Wolf Demeter nasceu em Würzburg, em 14 de setembro de 1906, filho único de Adolf Demeter, funcionário público, e Marie Christine von Bezold. Seu nome de batismo era Adolf Ernst Edwin Aloys Demeter, sendo Wolf um nome artístico. Em 1908, seu pai foi transferido para Berlim, onde ocupou cargo de direção no departamento de patentes (Reichspatentamt) até sua morte em 1930. O jovem Demeter foi criado no distrito berlinense de Zehlendorf. Há poucos dados concretos relativos à sua formação artística. Muitas décadas mais tarde, ele deixou consignado em relatos autobiográficos que teria sido aluno do escultor Arminius Hasemann, em Berlim. Ainda segundo os mesmos relatos, o artista realizou na juventude extensa viagem pelo Oriente Médio e permaneceu uma temporada na Grécia, onde teria sido aluno do escultor Thomas Thomopoulos, em Atenas22. Em julho de 1929, aos 23 anos incompletos, casou-se em Berlim com Ursula Barbara Simon (18 anos, recém completados), filha mais velha do banqueiro, ativista, colecionador de arte e mecenas Hugo Simon23. 

As extensas relações sociais do sogro abriram novas possibilidades para Wolf Demeter. Em meados de 1930, o jovem artista acompanhou de perto a visita de Aristide Maillol à Alemanha, privando de convivência íntima com o escultor francês24. É provável que essa aproximação tenha sido intermediada por Harry Graf Kessler, amigo de Hugo Simon e grande apoiador de Maillol na Alemanha25. Por volta dessa época, Simon adquiriu uma versão em chumbo da escultura Monument à Cézanne (1907-1925), de autoria de Maillol. Em 15 de julho de 1930, recebeu o escultor em sua residência berlinense como convidado de honra para um almoço que contou entre seus convidados Albert Einstein, Max Liebermann, Julius Meier-Graefe e Renée Sintenis, além de Kessler26. Por volta dessa época, Demeter passou a trabalhar como assistente de Maillol. Sabe-se, pelos relatos dos próprios, que Wolf e Ursula já dividiam sua moradia entre Berlim e Paris. O único filho do casal, Roger, nasceu em Paris em 1931, quando seus pais encontravam-se domiciliados em Louveciennes, comuna vizinha a Marly-le-Roi, onde residia Maillol27.

A carreira artística de Wolf Demeter desenvolveu-se de modo promissor no início dos anos 1930. Sua primeira exposição individual foi realizada na Galerie Ferdinand Möller, em junho de 1932, comportando esculturas e desenhos. A galeria era então uma das mais destacadas de Berlim para arte moderna, abrigando nessa mesma época exposições de Erich Heckel, Wassily Kandinsky, Otto Mueller, Karl Schmidt-Rottluff, entre artistas menos conhecidos28. O texto introdutório para o catálogo, de autoria de Harry Graf Kessler, confirma a filiação artística a Hasemann, Thomopoulos e Maillol, porém afasta o jovem discípulo da “poesia e arrebatamento erótico” deste último. Para Kessler, Demeter seria de temperamento “nitidamente nórdico, ácido e duro”, desconfiado em relação às tradições recebidas e engajado no desafio de moldar novas possibilidades de criação plástica a partir da “objetividade implacável” que era característica “dos melhores jovens alemães de sua geração29”. 

Ainda em 1932, entre outras notícias na imprensa, Demeter foi contemplado com uma resenha extensa na revista Die Kunst für Alle. O texto, de autoria do historiador da arte e então diretor da Kunsthalle de Bremen, Emil Waldmann, elogia a expressividade de seus relevos e esculturas e lhes atribui “uma graça ingênua que faz lembrar subitamente o pintor Bonnard30”.

 

[Figure 12]

 

[Figure 13]

 

Aos 26 anos incompletos, o artista galgava rapidamente os degraus do reconhecimento. No ano seguinte, em novembro de 1933, ele dividiu uma exposição em Amsterdã, na galeria J. Goudstikker, com a pintora holandesa Charley Toorop, quinze anos mais velha e bem relacionada nos meios de vanguarda31. Apesar do estilo arcaizante de suas obras, em especial os relevos em pedra, que suscitou comparações com Egito e Grécia, a obra de Demeter alinhava-se com a produção de arte moderna na Alemanha, no momento de heterogeneidade decorrente da Neue Sachlichkeit.

 

[Figure 14]

 

Findo o trabalho com Maillol, Demeter mudou-se com a família para Nice, no final de 1932, com idas a Berlim para tratar de encomendas. Com a ascensão ao poder do partido Nacional-Socialista, sua fortuna profissional mudou. Hugo Simon esteve na primeira leva de opositores do regime nazista a trocar Berlim pelo exílio em Paris, já em março de 1933. Afora o ativismo cultural e o fato de ser judeu, ele era visado por sua proximidade aos meios socialistas e comunistas. Com a desagregação do círculo em torno do sogro, Demeter voltou à precariedade comum aos artistas jovens. Viu-se barrado de trabalhar na Alemanha, após setembro de 1933, por não se filiar ao novo órgão oficial para controle da produção artística (Reichskulturkammer). Ao serem decretadas as Leis de Nuremberg, em setembro de 1935, viu-se impossibilitado de viajar ao país natal, por ter esposa judia e filho classificado pelas leis raciais como híbrido (Mischling). A pequena família permaneceu no sul da França, mudando-se em 1937 para a comuna de Grasse, onde Demeter passou a se dedicar à fruticultura e ao paisagismo.

Com a eclosão da guerra na Europa, a situação agravou-se. Por ser imigrante alemão na França, Demeter foi preso duas vezes em campos de internação para estrangeiros inimigos. Nesse momento, aproximou-se do incipiente movimento de resistência anti-nazista e, valendo-se dessas relações, pôde obter passaportes franceses falsos, para si e para os familiares imediatos (esposa, filho, cunhada), sob o nome de guerra ‘André Denis’. Com esses documentos, conseguiram vistos para sair da França e embarcar para o Brasil, com trânsito pela Espanha. A família atravessou a pé a fronteira para Port Bou em 7 de janeiro de 1941 e alcançou o Rio de Janeiro em 3 de fevereiro a bordo do navio Cabo de Buena Esperanza, saído de Vigo. Chegados ao Brasil, segundo o próprio relato, com três dólares americanos no bolso, sem contatos e sem falar português, passaram por dificuldades de sobrevivência. Partiram para a Argentina em novembro, mas retornaram ao Brasil três meses depois32.

Assumindo no Brasil a identidade de suposto cidadão francês, André Denis passou por uma série de empregos mais ou menos irregulares que o permitiram sobreviver ao período da Guerra. Em cooperação com o sogro, que vivia no Brasil também sob identidade falsa, trabalhou em 1942 para a Companhia Agrícola Plamed, ajudando a gerir uma fazenda em Penedo, estado do Rio de Janeiro, para plantação e processamento de extratos medicinais. Em 1943, foi contratado pelo interventor estadual Manoel Ribas para colaborar na implantação de escolas rurais no Paraná. Entre 1945 e 1946, trabalhou para uma fábrica de papel em Pindamonhangaba. Prestava serviços em agronomia, arquitetura, engenharia, paisagismo, embora não fosse formado em nenhuma dessas áreas. Ao final da Guerra, sem condições de retornar à Europa, foi aconselhado a manter a identidade assumida para continuar a viver no Brasil. Nos anos do imediato pós-Guerra, residiu em Campos do Jordão, onde se envolveu com a construção e decoração de hotéis. Nessa época, conviveu com Lasar Segall. Em 1952, foi contratado pelas Indústrias Klabin de Papel e Celulose para atuar em sua divisão de Engenharia Civil e passou a colaborar na grande fábrica de papel erguida no estado do Paraná, em meio à floresta, emprego em que permaneceu dez anos, vivendo afastado das grandes capitais.

A retomada como artista

Durante o turbulento período que se estendeu do início dos anos 1930 até meados dos anos 1960, Wolf Demeter/André Denis tentou manter viva a atividade artística, embora sua produção nessas três décadas tenha sido limitada. Sempre que possível, aproveitou seu conhecimento técnico para produzir obras de arte aplicada e/ou decorativa. Em 1950, participou do Salão Nacional de Belas Artes, no Rio de Janeiro, na seção de artes aplicadas, com dois cinzeiros de latão e um prato ornamental de cobre33. Foi em 1959, época em que vivia ainda no interior do Paraná, que ensaiou seu retorno ao meio artístico, de modo consequente, com uma exposição na Galeria Ambiente, em São Paulo (Rua Martins Fontes, 205), anunciada como a primeira individual do artista no Brasil. Abarcando esculturas de bronze, pedra e cerâmica, baixo-relevos, desenhos e monotipias, a exposição repercutiu na imprensa paulistana34. Mais importante, ela chamou a atenção do casal Pietro Maria e Lina Bo Bardi, assim como do crítico Geraldo Ferraz, redundando numa resenha extensa na revista Habitat, um dos mais influentes periódicos de arte e arquitetura modernas no Brasil. 

 

[Figure 15]

 

O texto, amplamente favorável, posiciona André Denis como “um artista que pertence à geração dos renovadores da figura humana através da forma e que dão um novo sentimento ao corpo”. No momento triunfal do abstracionismo em São Paulo e, em especial, dos embates entre Arte Concreta e Neoconcretismo, o figurativismo de Denis podia ser facilmente interpretado como retrógrado. 

 

[Figure 16]

 

[Figure 17]

 

A resenha da Habitat antecipa-se a essa crítica: “longe de ser uma retroatividade, uma inserção voluntária no academismo, é a prova de que ‘espaço’ no desenho e de que ‘substância’ na escultura […] podem ainda e sempre […] ser coisa nova, moderna, artística, evoluida e valida”. O texto fez questão também de apartar o artista – apresentado como “engenheiro e arquiteto” – do viés construtivo então dominante na escultura e de filiá-lo antes a uma renovação da tradição humanista, no espírito de Maillol, concluindo que seus trabalhos “marcam um acontecimento dentro do nosso tempo35”.

Após encerrar em 1962 seu emprego com a Klabin, André Denis pôs fim à longa temporada afastada dos centros urbanos. Mudou-se primeiramente para Curitiba e, em 1969, para São Paulo, onde construiu uma casa no bairro de Interlagos, então considerado afastado. A casa onde viveu até a morte em 1978 viria a constituir uma espécie de obra de arte total, contendo pinturas e esculturas, móveis, objetos de decoração e utensílios domésticos, quase todos criados pelo artista. Nessa época, sua produção de artes aplicadas e decorativas ganhou fôlego. Além de decorar duas residências no estado do Espírito Santo, produziu painéis decorativos para edifícios na cidade de São Paulo. Realizou várias encomendas particulares no campo da escultura, em especial figuras em bronze em tamanho natural, assim como um busto de John F. Kennedy para um monumento projetado para a Rodovia do Café.

 

[Figure 18]

 

Entre 1970 e 1972, firmou relação com a Galeria Chelsea (Rua Augusta, 3857), iniciada com uma exposição individual e mantida com a participação em mostras coletivas subsequentes. Expôs ainda, esporadicamente, em outras coletivas, como uma de artistas que trabalhavam com esmalte, material que ele costumava aplicar tanto a chapas de cobre quanto à cerâmica36.

No plano pessoal foi também um período de retomar coisas deixadas para trás na fuga da Europa. Em 1964, o artista, sua esposa e cunhada conseguiram reaver a nacionalidade alemã, dando início a um longo processo burocrático que culminaria em 1972 com a retificação de suas identidades. A partir de então, ele assumiu legalmente o nome André Demeter-Denis. Todo esse movimento de reinserção não se traduziu, contudo, em recuperação da carreira perdida. A promessa de reintegração ao circuito expositivo, acesa pela exposição da Galeria Ambiente, nunca se concretizou. Denis contava quase 53 anos quando surgiu para o público brasileiro em 1959. Embora novo naquele contexto, era já um artista com linguagem consolidada; e sua produção, majoritariamente figurativa, transitava na contramão da voga pelo abstracionismo. O modo quase defensivo com que a Habitat elogiou suas obras revela o quanto era difícil inseri-las num contexto de polarização e disputas doutrinárias. Para piorar a situação, o artista privava de uma sociabilidade avessa à badalação e à bajulação, agravada por décadas de fuga e isolamento. 

Após sua morte, André Denis foi homenageado com uma retrospectiva no Masp, em março de 198037. Em dezembro de 1986, suas obras foram objeto de outra retrospectiva no Trilema Espaço Cultural (Alameda Fernão Cardim, 11). Naquele momento, a tragédia se abateu sobre a família. Em decorrência do falecimento quase simultâneo da cunhada do artista, em São Paulo, e do seu único filho, nos Estados Unidos, grande parte da sua obra, até então guardada na casa de Interlagos, foi doada para o Lar Golda Meir, com o intuito de ser integrada ao acervo de um proposto Museu Judaico (Rua Coronel Lisboa, 139), então em formação. Saíram de lá para uma segunda retrospectiva no Masp em março de 199338. A obra de André Denis ainda foi exposta (ao lado de Victor Brecheret, Alfredo Ceschiatti e Bruno Giorgi) na mostra Maillol e a escultura moderna brasileira, paralela à exposição Aristide Maillol, realizada na Pinacoteca do Estado de São Paulo em 1996. Em 2003, com a reestruturação do Lar Golda Meir como Residencial Israelita Albert Einstein, o acervo foi vendido e lamentavelmente dispersado.

Repisar os rastros apagados

Há uma pergunta metodológica por trás do exercício de recuperar aqui a trajetória de Wolf Demeter/André Denis. O que fazer dos muitos artistas que não se encaixam em nenhum paradigma de identidade nacional, corrente estilística ou filiação a um movimento, mas cujas obras são merecedoras de contemplação e preservação? Em outras palavras, que lugar podemos atribuir a esses artistas interrompidos, consignados pelo silêncio historiográfico a um não-lugar? Recai a nós, historiadores, juntar fragmentos e buscar situar novamente no presente aquelas vivências engolidas pela voracidade do tempo e das circunstâncias. Como tantos sobreviventes e refugiados de guerra, Demeter-Denis nunca buscou se posicionar como vítima. Antes lutou com todas as forças para superar as calamidades e apostar no presente. Por paradoxo, seu êxito em não revisitar o passado talvez tenha contribuído para o apagamento de sua memória como artista. Será que hoje somos capazes de olhar para as margens e entrelinhas da grande narrativa modernista e reintegrar à sua estrutura aquilo que foi apagado? O esforço seria de boa serventia para um futuro que se anuncia cada vez mais fragmentário.

 

Citer cet article

Rafael Cardoso, « L’artiste interrompu : Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978 [O artista interrompido: Wolf Demeter/André Denis, 1906-1978] », [Plastik] : Migrations #15 [en ligne], mis en ligne le 23 avril 2025, consulté le 25 avril 2025. URL : https://plastik.univ-paris1.fr/2025/04/23/lartiste-interrompu-wolf-demeter-andre-denis-1906-1978/

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