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Le monde à l’envers : la migration comme art d’habiter dans l’entre-lieux [Virar os mundos: a migração como arte de habitar no entre-lugar]

Le monde à l’envers : la migration comme art d’habiter dans l’entre-lieux [Virar os mundos: a migração como arte de habitar no entre-lugar]


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Table des matières

Note : Cet article est présenté dans deux versions : d’abord en français puis en portugais.

 

Omnia migrant, omnia commutat nature
Lucrèce
 

J’ai fait mon berceau dans un virage
Tom Zé

 

 

Personnellement, je me demande même si je peux me considérer comme une migrante. Je n’ai pas été expulsée de mon pays d’origine, je n’ai pas déménagé dans un pays totalement inconnu. Je suis née à Moscou, j’ai vécu au Pérou de l’âge de 3 à 6 ans, et au Mexique entre 9 et 11 ans. Je suis retournée en Russie, où j’ai étudié, me suis mariée et, à l’âge de 24 ans, en 1999, sans raison apparente, j’ai déménagé au Brésil1, où je vis maintenant depuis exactement 24 ans. Me sens-je encore russe ou bien déjà brésilienne? Je ne sais répondre à cette question. En réalité, je ne me sens ni Russe, ni entièrement Brésilienne. Je me sens étrangère dans mon pays d’origine quand j’y retourne (et ce sentiment croissant accompagne les changements sociaux et politiques draconiens de ces vingt dernières années); et au Brésil, pendant tout ce temps, quelqu’un me demande l’origine de mon accent au moins une fois par semaine ; je retrouve ainsi la condition d’être étrangère. Je sais que je partage cette situation de déracinement2 et d’appartenance fluide, incomplète, avec des millions de personnes dans le monde3. Aujourd’hui, je vis dans une ville (Brasília) érigée par des migrants internes au pays, dans une ville où les grands-parents ne sont pas nés; autrement dit, où tous les habitants sont enfants et petits-enfants de migrants ou de nouveaux arrivants.

J’ai quitté le pays où je suis née, la Russie, terre de ma mère, pour le Brésil, terre de mon père et où j’ai une large famille. Bien que je ne connaisse ni l’endroit ni la langue locale avant de m’y installer, le pays ne m’était pas complètement étranger. J’ai été bien accueillie, j’ai terminé une maîtrise et un doctorat (autour de thèmes liés à la Russie), et je suis devenue professeure d’université. Je me suis mariée, séparée, et j’ai eu un fils qui maintient des liens avec la Russie, mais qui est complètement brésilien. Si mon histoire personnelle est celle d’une immigration (ou d’une émigration ?) réussie, on ne peut en dire de même pour des millions de personnes dans la même situation.

Il existe tant de contextes différents qui poussent les gens à migrer, à changer, à se déplacer. La seule constante est peut-être le sentiment de déracinement, de ne jamais être complètement ni d’ici (où l’on est) ni de là-bas (d’où l’on est parti), mais toujours entre les deux, ni l’un ni l’autre.

 

[Figure 1]

 

Écrire ce texte est un petit portrait, une petite métaphore de ce qu’est être migrant. Le texte se dissipe, s’évanouit, coule entre les doigts tel le sable, refusant de prendre forme. Un texte rhizomique4, sans racine, poussant dans différentes directions, sans direction concrète, tangible. Des idées éparses autour de ce qui n’est pas, de ce qui manque peut-être. Si je n’avais pas changé de pays, ma vie serait-elle très différente? Parfois, je m’imagine dans cette autre vie, dans laquelle je n’aurais pas émigré, où je serais restée, où je suis né et où j’ai grandi. Je suppose que toutes les personnes qui ont émigré pensent à ces vies qu’ils auraient pu mener s’ils avaient choisi, ou pu choisir un autre chemin. Quiconque a migré a dû passer – par son propre choix, ou non – par un carrefour (Mojúbà Èṣù!) ou, en réalité, par plusieurs carrefours. Ainsi, la migration n’est pas une direction, mais une déviation d’un (ou plusieurs) chemin(s).

Déviation numéro un – « Au milieu du chemin, il y avait une pierre…5 »

La petra scandali de la migration: la xénophobie, le rejet, les préjugés à l’égard des migrants, les innombrables difficultés d’adaptation. L’absence de pratiques discriminatoires à l’égard des migrants dépend du changement du système politico-économique actuel, car la « crise migratoire » et l’« économie du désastre6 » sont très utiles au néolibéralisme, lui fournissant une main-d’œuvre susceptible d’être moins payée et plus exploitée, et offrent des réponses faciles aux questionnements sur les raisons de la détérioration des conditions de vie. Le migrant est facilement reconnaissable (car il est différent) et subit des préjugés (pré-jugé, préconçu), et très souvent finit par être culpabilisé, dans le discours public, de tous les maux sociaux des pays d’accueil.

 

[Figure 2]

 

Migrer, c’est peut-être partager la difficulté de se définir en termes d’identité nationale, mais paradoxalement, la figure du migrant est opérationnelle pour cristalliser l’identité des « établis7 », pour le maintien de l’identité nationale et locale. Ce n’est qu’à partir de la perception de la « différence » que l’on peut comprendre qui l’on est. La figure du migrant questionne et réaffirme, en même temps, les identités d’appartenance locales (nationale, régionale, etc.). Mais le migrant lui-même, comment se voit-il, comment se comprend-il ? Fait-il tout ce qu’il peut pour appartenir à une nouvelle communauté, qui peut tantôt l’accueillir, ou le rejeter ? Ou bien, au contraire, maintient-il ses particularités culturelles, afin de se réaffirmer comme venant de l’endroit qu’il a quitté pour les raisons les plus diverses? Doit-on abandonner son passé (l’appartenance à l’endroit où l’on n’est plus) ou se tourner vers l’avenir (être d’un endroit nouveau, que l’on atteint et où l’on essaie de s’établir) ? Étant entre les deux, peut-on ainsi affirmer qu’être migrant, c’est se trouver exactement dans l’âpreté du présent, au milieu de cette tension entre ce qui a été abandonné et ce qui ne l’est pas encore (ou ne le sera jamais)? De là vient la fragilité du migrant mais, simultanément, la force qui démystifie les apparences des « communautés imaginaires8 ».

Déviation numéro deux, de l’importance de la matérialité

Depuis que je vis en dehors de mon pays d’origine, j’ai déjà déménagé un nombre incalculable de fois. J’essaie de compter les maisons dans lesquelles j’ai habité dans le pays d’accueil, mais il y en a tellement que lorsque je compte, j’en oublie toujours une. Au cours de ce voyage, à travers les appartements, les résidences étudiantes, les maisons partagées, les villes, les États, je me suis inévitablement défaite de presque tous les objets matériels ramenés de ma terre natale. J’ai compris combien la matérialité est intermittente, combien les objets se perdent en chemin. Après vingt-quatre ans de nomadisme, je garde avec moi seulement les photographies imprimées, les lettres de l’époque où l’on écrivait encore des lettres, une sculpture (Image 3) en bronze bien lourd (difficile à perdre) et presque tous les livres, en russe, sans lesquels je ne survivrais pas.

 

[Figure 3]

 

Ainsi, les caisses de livres ont été mon fardeau et mon inspiration au cours de ces années de changements constants : il est difficile de créer de nouvelles racines après avoir quitté son pays d’origine – comment choisir une ville plutôt qu’une autre, comment décider où rester si tous les endroits vous sont étrangers, si vraiment vous n’êtes à aucun endroit sur cette route. Les lourds cartons de livres ont déjà pris la mer sur le littoral de São Paulo, ont séché dans les arrière-pays dans les États du Ceará et du Rio Grande do Norte, ont été stockés pendant des années dans le grenier d’une grande métropole, ont déjà voyagé en bateau, en bus, en voiture, en charrette et en camion de déménagement. À un certain moment, ne sachant où aller, fatiguée de les transporter, j’en ai offert une partie à l’une des rares bibliothèques brésiliennes susceptibles de les recevoir : la bibliothèque de la faculté de Philosophie, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de São Paulo9. Aujourd’hui encore, les livres que j’ai donnés me manquent, je suis jalouse des œuvres complètes de Léon Tolstoï qui ne sont plus destinées à mon usage personnel mais appartiennent à une collectivité anonyme (et restreinte) d’érudits brésiliens de ma langue maternelle. Par chance, je n’ai pas eu besoin de vendre de livres pour survivre, je me suis seulement débarrassée d’une partie de ma bibliothèque par commodité, et en sachant leur destinée. Mais je pense aux immigrants qui ont dû vendre leurs objets personnels, intimes et chers pour mater leur faim, pour payer le loyer, pour habiller leurs enfants, et je comprends combien cela fait mal, car les objets contiennent des odeurs, gardent des souvenirs, et, qui sait, des esprits ancestraux. Sans la présence d’objets matériels ramenés de notre lieu d’origine, que reste-t-il ?

 

[Figure 4]

 

Déviation numéro trois, du poids du capital symbolique

La moitié des livres que j’emporte avec moi sont consacrés aux arts plastiques, aux textes et aux biographies d’artistes, à des recherches sur la théorie et l’histoire de l’art, à des catalogues d’exposition lourds, remplis d’images. En tant qu’historienne de l’art, j’ai été confrontée, au cours des années où j’ai exercé ma profession au Brésil, à la différence flagrante entre les deux tendances interprétatives des phénomènes artistiques. J’ai étudié l’histoire de l’art dans la Russie post-soviétique, dans les années 1990, à une époque où prévalaient encore les orientations théoriques développées en URSS, très particulières et, d’une certaine façon, opposées à celles que j’ai rencontrées ultérieurement, au Brésil. À l’époque de l’Union Soviétique, tous les domaines scientifiques devaient s’inscrire idéologiquement dans une clé interprétative unique marxiste-léniniste; la dialectique marxiste devait s’appliquer à tous les domaines de recherche, et ces circonstances ont fortement marqué le domaine de l’histoire de l’art. Une fois « résolue » la macro-question à propos de la théorie critique à appliquer à l’analyse de l’art – sans alternative pour utiliser, par exemple, des théories du genre ou postcoloniales – les historiens de l’art ont perfectionné l’interprétation formelle des œuvres10. La méthode d’analyse formelle des œuvres d’art a permis d’approfondir formidablement les connaissances sur une période artistique ou l’œuvre particulière de tel artiste, ou d’un ensemble d’œuvres de cette période, « protégeant » ainsi les chercheurs de la nécessité d’appliquer des théories interprétatives, et même en évitant la théorie marxiste, qui serait implicitement déjà utilisée pour n’importe quelle analyse. L’enseignement de l’histoire de l’art se basait sur l’idée d’offrir une idée de la totalité de l’œuvre des artistes, des écoles, des périodes historiques, et d’approfondir l’analyse formelle des œuvres. En déménageant au Brésil, j’ai pris un coup. De manière générale, après dix ans d’enseignement dans les universités brésiliennes, j’ai constaté que l’axe privilégié (et je pense qu’il s’agit, d’une certaine manière, d’une tendance générale en histoire de l’art, mais probablement plus prononcée dans le Sud global et dans les contextes post-coloniaux) est précisément l’application de diverses théories interprétatives à des événements artistiques. Avec quelques réserves, je pourrais affirmer que dans l’historiographie de l’art brésilienne, le choix et la détermination de la clé d’interprétation théorique précèdent l’appréhension des manifestations artistiques dans leur totalité (s’il est possible de traiter de la totalité, en général). En Russie, nous étudions d’abord l’œuvre artistique avec le plus large spectre possible, en portant attention aux aspects formels ; au Brésil, avant toute chose, on remarque d’abord la primauté du choix d’une certaine clé théorique et, à partir de celle-ci, le choix des œuvres, des artistes et des écoles pour développer l’interprétation, les aspects formels des œuvres ayant tendance à être perçus comme auxiliaires. Cette tendance historiographique brésilienne actuelle est due au moment extrêmement intéressant de révision de l’histoire de l’art, à la nécessité de questionner l’eurocentrisme des collections muséologiques, par exemple, à l’élargissement des concepts d' »art » lui-même, à partir de l’inclusion des œuvres des peuples originels et des soit-disantes « minorités sociales ».

La deuxième différence notable par rapport à l’histoire de l’art, fut l’héritage soviétique de l’absence d’inscription, jusqu’à un certain point, de l’art contemporain dans le domaine des études universitaires. Au Brésil, au moins dans les deux universités où j’ai travaillé jusqu’à présent, l’art contemporain a fait l’objet d’une attention particulière. On sait qu’à l’époque de l’URSS, l’art contemporain était confiné à la clandestinité. Même le modernisme, l’art d’avant-garde ont commencé à sortir des réserves techniques pour revenir dans les expositions permanentes des musées très timidement à partir de la fin des années 1960. Les premières grandes expositions d’art moderne ont eu lieu dans les années 1980 – seulement dans les années 1970 pour l’art contemporain – (notamment le fameux « Paris – Moscou », qui a mis les productions modernistes et contemporaines soviétiques sur la scène internationale11). Avec l’avènement du réalisme socialiste, l’art moderne commence à être taxé de réactionnaire et formaliste, en URSS, mettant fin à l’avant-garde. L’art contemporain s’épanouit dans les expositions à domicile (les kvartirniki) ; les tentatives de les rendre publiques, comme la fameuse exposition Buldózernaia12, furent réprimées par l’État. Par conséquent, la critique d’art contemporain a également commencé à exister hors du contexte universitaire. Dans les années 1990, lorsque j’étudiais, l’histoire de l’art contemporain en Russie n’en était qu’à ses premiers pas dans les facultés. Au contraire, au Brésil l’art contemporain peut être considéré comme le fer-de-lance de la production artistique nationale. Ainsi, près d’un tiers des pages de l' »Histoire générale de l’art au Brésil » organisé par Walter Zanini sont consacrées à l’art contemporain13. En conséquence de quoi, j’ai dû changer un peu d’orientation et chercher à comprendre, étudier et assimiler l’art contemporain. Aujourd’hui encore, je me bats avec lui,  je l’évite, j’ai la nostalgie de la solidité du modernisme et de l’art qui l’a précédé.

Déviation numéro quatre, quand la patrie est une mère dévorante pour ses enfants

Au cours de mon master au Brésil, j’ai traduit en portugais l’un des traités théoriques de Kazimir Malevitch. Me rappelant sa biographie, compte tenu des événements récents dans mon pays – l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes et la transformation de la Russie en une dictature féroce – qui ont provoqué une vague de migration comparable, peut-être, à celle de la première moitié du XXe siècle, je me rends compte que la possibilité d’immigrer peut être une bénédiction, inaccessible à de nombreuses personnes. Malevitch, par exemple, a préparé le terrain de l’immigration lorsque ses œuvres furent exposées en Allemagne en 1927. Il tenta d’obtenir un poste d’enseignant au Bauhaus, laissant tous ses travaux théoriques à Gustav von Reisen et ses œuvres d’art à Hugo Häring à Berlin. Le projet ne se concrétisa pas et l’artiste dut retourner en URSS, où il fut arrêté, interrogé et, après un certain temps, tomba malade et mourut en 1935. Ses œuvres sont restées inaccessibles au public soviétique pendant trois décennies14.

 

[Figure 5]

 

Je me demande : et si l’artiste était parvenu à immigrer, à fuir, à se libérer des griffes de l’État soviétique ? Comment aurait été sa vie, aurait-il vécu longtemps ? Quelle aurait été sa contribution au Bauhaus ? L’artiste aurait-il été persécuté par les nazis, serait-il parvenu à s’échapper ? Son œuvre aurait-elle eu encore plus d’influence sur des développements de l’art contemporain ? On peut imaginer la même chose de tant d’artistes morts en URSS – poètes, directeurs de théâtre, peintres, cinéastes, historiens de l’art. Ils n’ont jamais immigré, sont morts emprisonnés, torturés et censurés. Par leur part, Kandinsky, Chagall, Gontcharova, Larionov, etc15.– sont devenus des représentants de la culture artistique internationale, parvenant à exercer leur métier pendant de nombreuses décennies après leur immigration.

Ces pensées simples me hantent depuis septembre 2022 quand, pour une courte période et pour des raisons personnelles, je suis retournée dans mon pays natal et y ai vécu l’horreur d’être témoin au quotidien d’une société qui a succombé à la dictature. J’ai ressenti que je ne pourrais plus y retourner, j’ai coupé les liens, je ne peux plus considérer cet endroit comme « mien » qui fait « partie de moi », et je suis maintenant devenue une véritable apatride, un véritable nowhere man16.

 

—— Texte en portugais ——

Virar os mundos: a migração como arte de habitar no entre-lugar

 

Omnia migrant, omnia commutat natura
Lucrezio

Fiz meu berço na viração
Tom Zé

 

Pessoalmente, até questiono se posso me considerar uma migrante. Não fui expulsa de meu país de origem, não mudei para um país totalmente desconhecido. Nasci em Moscou, de 3 a 6 anos de idade morei no Peru, entre os meus 9 e 11 vivi no México. Retornei para a Rússia, me formei, casei e com 24 anos de idade, em 1999, sem aparente causa mudei para o Brasil17, onde já vivo por exatos 24 anos. Sinto-me russa ainda ou sinto-me já brasileira? Não sei responder à pergunta. Na realidade, não me sinto nem da Rússia, nem do Brasil por completo. Estranho meu país de origem, quando retorno para lá (e o estranhamento crescente acompanha as drásticas mudanças sociais e políticas dos últimos vinte anos); e no Brasil, durante todo esse tempo, pelo menos uma vez por semana alguém me questiona sobre a origem do sotaque; retomo, portanto, a condição de “ser de fora”. Sei que compartilho desta circunstância de desenraizamento18 e de pertencimento fluído, incompleto, com milhões de pessoas no mundo19. Hoje em dia, moro numa cidade (Brasília) erguida por migrantes internos do país, cidade onde não há avós ou avôs nascidos no local; ou seja, todos os moradores são filhos e netos de migrantes ou de recém-chegados.

Mudei do país em que havia nascido, a Rússia, terra da minha mãe, para o Brasil, terra do meu pai e onde tenho uma família extensa. Por mais que desconhecesse o lugar e a língua local até me mover pra cá, o país não me era estranho por completo. Fui bem acolhida, terminei mestrado e doutorado (voltado aos estudos de temas ligados à Rússia), tornei-me professora universitária. Casei, descasei, tive um filho que ainda mantém laços com a Rússia mas é totalmente brasileiro. Se minha história pessoal é de uma imigração (ou emigração?) bem-sucedida,  o mesmo não se pode dizer sobre milhões de pessoas que se situam na mesma condição. 

Há tantos contextos diferentes que levam pessoas a migrar, a mudar, a se mover. Talvez a única constante seja a sensação de desenraizamento, de nunca ser nem de aqui (para onde fomos), nem de lá (de onde saímos) por completo, sempre entre, sempre nem um, nem outro.

 

[Figure 6]

 

Escrever esse texto é um pequeno retrato, uma pequena metáfora de como é ser migrante. O texto se dissipa, se esvai, corre entre os dedos, feito a areia, se recusa a tomar forma. Um texto rizomático, sem raiz radicular20, crescendo em várias direções, sem um direcionamento concreto, tangível. Ideias dispersas em torno do que não há, do que falta talvez. Se não mudasse de país, minha vida seria bem diferente? Às vezes me imagino nesta outra vida, na qual não tivesse migrado, na qual permaneceria ali, onde nasci e cresci. Suponho que todas as pessoas que migraram pensam nestas vidas que poderiam ter levado se escolhessem, ou pudessem escolher um outro caminho. Quem migrou, passou – sem querer ou por escolha própria, – por uma encruzilhada (Mojúbà Èṣù!) ou, deverás, por algumas. Migração, então, não é um rumo mas um (ou mais de um) desvio de caminho. 

Desvio número um – “no meio do caminho tinha uma pedra21

A petra scandali da migração: a xenofobia, o estranhamento, os preconceitos em relação a migrantes, as inúmeras dificuldades de adaptação. A ausência das práticas discriminatórias em relação a migrantes depende da mudança do sistema político-econômico vigente, pois a “crise migratória” e a “economia de desastres22 são muito úteis ao neoliberalismo, já que provêm a força de trabalho passível de uma remuneração menor junto à exploração maior, e oferecem as respostas fáceis aos questionamentos sobre as razões da deterioração das condições de vida. O migrante é facilmente reconhecido (pois se difere) e prejudicado (pré-judicado, pré-conceito), muitas vezes acaba sendo culpabilizado, no discurso público, de todas as mazelas sociais nos países de recepção.

 

[Figure 7]

 

Migrar talvez seja compartilhar da dificuldade de se definir em termos identitários nacionais, mas, paradoxalmente, a figura de migrante é operacional para a cristalização identitária dos “estabelecidos23, para a manutenção da identidade nacional, local. Somente a partir de percepção da “diferença” entende-se quem se é. A figura de migrante questiona e reafirma, ao mesmo tempo, as identidades de pertencimento local (nacional, regional etc.). Mas e o próprio migrante, como se vê, como se entende? Faz de tudo para passar a pertencer a uma comunidade nova, que tanto pode o acolher, quanto rejeitar? Ou, pelo contrário, insiste em manter suas particularidades culturais, para se reafirmar como procedente daquele lugar de onde partiu por razões mais diversas? Abandona-se o passado (o pertencimento ao local onde não se está mais) ou se almeja o futuro (passar a ser de um lugar novo, ao qual se chega e no qual tenta se estabelecer)? Por sentir-se entre os dois, pode-se afirmar, então, que ser migrante é se encontrar exatamente na pungência do presente, no meio desta tensão entre o que foi abandonado e o que ainda não é (ou nunca será)? Daí a fragilidade de quem é migrante mas, simultaneamente, a força que desmistifica as aparências das “comunidades imaginárias24.

Desvio número dois, da importância da materialidade

Nesses tempos em que vivo fora de meu país de origem mudei inúmeras vezes de domicílio. Tento contar as casas que habitei no país de chegada, foram tantas que quando conto sempre me esqueço de alguma. Nesse trajeto, pelos apartamentos, repúblicas e moradias estudantis, casas compartilhadas, cidades, estados, inevitavelmente desfiz-me de quase todos os objetos materiais trazidos da terra natal. Compreendi como a materialidade é intermitente, como os objetos se perdem no caminho. Após vinte e quatro anos de nomadismo guardo comigo somente as fotografias impressas, as cartas da época quando ainda se escreviam as cartas, uma escultura (Imagem 3) bem pesada de bronze (difícil de se perder) e quase todos os livros, em russo, sem os quais não sobreviveria. 

 

[Figure 8]

 

As caixas de livros, portanto, foram meu fardo e meu alento nesses anos de constantes mudanças: é difícil criar uma raiz nova após partir de seu país de origem – como escolher uma cidade e não a outra, como decidir onde permanecer se todos os lugares são estranhos, se não se é de verdade de nenhum ponto dessa rota. As pesadas caixas de livros já pegaram maresia no litoral paulista, já ressecaram nos sertões cearense e potiguar, já foram guardadas por anos na cobertura numa grande metrópole, já viajaram de navio, de ônibus, de carro, de carroça, de caminhão de mudança. Num determinado momento, sem saber para onde ir, cansada de carregá-las, ofereci uma parte dos livros a uma das poucas bibliotecas brasileiras que poderiam recebê-los – à biblioteca da Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas da Universidade de São Paulo25. Até hoje sinto falta dos livros que doei, sinto ciúmes da obra completa de Lev Tolstói que não é mais de meu uso pessoal mas passou a pertencer a uma coletividade anônima (e restrita) dos brasileiros estudiosos da minha língua materna. Por sorte, não precisei vender livro algum para sobreviver, só me desfiz da parte da biblioteca por comodidade e sabendo do destino desta. Mas penso nos imigrantes que precisaram vender os objetos pessoais, íntimos, queridos para não passar fome, para pagar os alugueis, para vestir os filhos e entendo como dói isto, pois os objetos guardam os cheiros, guardam as memórias e, quiça, os espíritos ancestrais. Sem a presença dos objetos materiais trazidos do nosso lugar de origem, o que resta?

 

[Figure 9]

 

Desvio número três, do peso do capital simbólico

Metade dos livros peregrinando comigo são dedicados às artes plásticas, textos e biografias de artistas, pesquisas de teoria e história da arte, catálogos das exposições – pesados, cheios de imagens. Como historiadora da arte, deparo-me, ao longo dos anos de exercício da profissão no Brasil, com a instigante diferença entre as duas tendências interpretativas de fenômenos artísticos. Formei-me em história da arte na Rússia pós-soviética, nos anos 1990, quando ainda prevaleciam as diretrizes teóricas desenvolvidas na URSS, peculiares e, de certa forma, opostas às que encontrei, posteriormente, no Brasil. Na época da União Soviética todos os campos científicos ideologicamente deveriam ser inscritos dentro de única chave interpretativa, a marxista-leninista; a dialética marxista devia ser aplicada a todas as áreas de investigação, e estas circunstâncias marcaram fortemente o campo de história da arte. Sendo “resolvida” a macro questão sobre qual teoria crítica aplicar à análise da arte – não havendo a alternativa de usar, por exemplo, as teorias de gênero ou pós-coloniais –, historiadores da arte aperfeiçoavam a interpretação formal das obras artísticas26. O método de análise formal das obras de arte permitia aprofundar formidavelmente os conhecimentos sobre algum período artístico ou a obra particular de um determinado artista, ou um conjunto de obras da época e “protegia” pesquisadores da necessidade de aplicar as teorias interpretativas, evitando mesmo a teoria marxista, que implicitamente já estaria empregada a qualquer análise. O ensino de história da arte embasava-se na ideia de oferecer a noção da totalidade da obra de artistas, das escolas, dos períodos históricos e aprofundar a análise formal das obras. Ao mudar para o Brasil levei um baque. Em termos gerais, após dez anos de docência nas universidades brasileiras noto que o foco privilegiado (e penso que se trata, de certa forma, de uma tendência geral em história da arte, mas provavelmente mais acentuada nos sul global e nos contextos pós-coloniais) é justamente a aplicação de variadas teorias interpretativas aos acontecimentos artísticos. Com alguns resguardos, poderia afirmar que na historiografia da arte brasileira, a escolha e a determinação da chave teórica interpretativa precede a apreensão de manifestações artísticas em sua totalidade (se é possível tratarmos da totalidade, em geral). Na Rússia, primeiro estudávamos a obra artística com a maior abrangência possível, atendo-se aos aspectos formais; no Brasil, antes de tudo, nota-se a primazia da escolha de determinada chave teórica e a partir desta faz-se a escolha de obras, de artistas e de escolas para desenvolver a interpretação, os aspectos formais das obras tendem a ser percebidos como se fossem auxiliares. Esta atual tendência historiográfica brasileira deve-se ao interessantíssimo momento de revisão da história da arte, da necessidade de questionar o eurocentrismo das coleções museológicas, por exemplo, da ampliação dos conceitos da própria “arte” a partir da inclusão das obras dos povos originários e das assim chamadas “minorias sociais”. 

A segunda diferença notória em relação à história da arte, foi a herança soviética de ausência de inscrição, até certo momento, da arte contemporânea no campo de estudos acadêmicos. Já no Brasil, pelo menos nas duas universidades nas quais trabalhei até agora, a arte contemporânea recebia uma atenção especial. Sabe-se que na época da URSS a arte contemporânea era fadada à clandestinidade. Mesmo o modernismo, a arte das vanguardas passaram a retornar das reservas técnicas às exposições permanentes dos museus muito timidamente a partir do final da década de 1960. As primeiras grandes exposições da arte moderna – somente na década de 1970, da arte contemporânea – na década de 1980 (destacando-se aqui a famosa “Paris – Moscou” que inscreveu as produções modernistas e contemporâneas soviéticas no cenário internacional27). Com o advento do Realismo Socialista a arte moderna passa a ser taxada de reacionária e formalista, na URSS, é o fim das vanguardas. E a arte contemporânea se desabrocha em exposições caseiras (os kvartirniki); as tentativas de torná-las públicas, como a famosa exposição Buldózernaia28, são reprimidas pelo Estado. A crítica da arte contemporânea, consequentemente, também passa a suceder fora do contexto acadêmico. Na década de 1990, quando me formei, a história da arte contemporânea na Rússia dava seus primeiros passos nas faculdades. No Brasil, pelo contrário, a arte contemporânea pode ser chamada de carro-chefe da produção artística nacional. Assim, quase um terço das páginas da “História geral da arte no Brasil” de Walter Zanini é focado na arte contemporânea29. Como resultado, precisei mudar um pouco o foco e correr atrás de compreender, estudar e assimilar a arte contemporânea. Até hoje brigo com ela, a estranho, sinto saudades da solidez do modernismo e da arte que o precede. 

Desvio número quatro, quando a pátria é uma mãe devoradora de seus filhos

No mestrado realizado no Brasil traduzi para o português um dos tratados teóricos de Kazimir Malevitch. Ao lembrar da sua biografia, em virtude dos acontecimentos recentes relacionados à minha terra natal – a invasão da Ucrânia pelas tropas russas e a transformação da Rússia numa ditadura ferrenha, – que provocaram uma onda migratória comparável, talvez, a da primeira metade do século XX, entendo que a possibilidade de imigrar pode ser a bênção, inacessível para muitos. Malevitch, por exemplo, preparou o terreno para imigração na ocasião da exposição de suas obras na Alemanha, em 1927. Tratou de conseguir uma vaga de professor na Bauhaus, deixou o conjunto de sua obra teórica com Gustav von Reisen e as obras de arte com Hugo Häring em Berlim. O plano não se concretizou e o artista precisou retornar à URSS, onde foi preso, interrogado, e, após um tempo, adoeceu e faleceu, em 1935. Suas obras permaneceram inacessíveis ao público soviético por três décadas30

 

[Figure 10]

 

Penso: e se o artista conseguisse imigrar, fugir, se libertar das garras do estado soviético? Como seria sua vida, viveria mais? Podemos supor como seria sua contribuição para a Bauhaus. O artista seria perseguido pelos nazistas, conseguiria escapar? Sua obra influenciaria mais ainda os rumos da arte contemporânea? O mesmo pode ser imaginado sobre tantos artistas que sucumbiram na URSS – poetas, diretores teatrais, pintores, cineastas, historiadores da arte. Não imigraram, morreram presos, torturados e censurados. Já Kandínski, Chagall, Goncharova, Larionov31 – tornaram-se expoentes da cultura artística internacional, conseguindo exercitar seus ofícios por muitas décadas após a imigração.

Tais pensamentos singelos me perseguem desde setembro de 2022 quando, por um breve período e por motivos pessoais, visitei a terra natal e vivenciei o horror ao testemunhar o dia a dia de uma sociedade sucumbida à ditadura. Sinto que não mais conseguirei voltar para lá, cortei os laços, não consigo mais pensar naquele lugar como em algo “meu” que “faz parte de mim”, agora virei apátrida de verdade – a real nowhere man32. 

 

Citer cet article

Cristina Antonioevna Dunaeva, « Le monde à l’envers : la migration comme art d’habiter dans l’entre-lieux [Virar os mundos: a migração como arte de habitar no entre-lugar] », [Plastik] : Migrations #15 [en ligne], mis en ligne le 23 avril 2025, consulté le 24 avril 2025. URL : https://plastik.univ-paris1.fr/2025/04/23/le-monde-a-lenvers-la-migration-comme-art-dhabiter-dans-lentre-lieux/

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