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Le vivant végétal à la mesure du temps

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Table des matières

Résumé

L’article qui suit considère des démarches artistiques contemporaines qui engagent des problématiques environnementales à travers le sensible du monde vivant végétal et ses représentations. A partir de trois pratiques singulières – celles d’Ackroyd & Harvey (Grande-Bretagne), de Jean-Claude Ruggirello (France) et d’Henrique Oliviera (Brésil)- prenant place dans l’étude critique du végétal, il analyse pourquoi et comment le processus de création devient révélateur d’un message d’alerte à nos consciences. Aussi la compréhension de la relation esthétique aux comportements végétaux, naturels ou artialisés, in situ ou hors de leur milieu d’origine, est une recherche qui interroge la réalité, la durabilité et l’équilibre du lien anthropologique avec la nature.

Introduction

« La durée éternelle n’est pas plus promise aux œuvres qu’aux hommes. »

 Marcel Proust, Le temps retrouvé, Posthume, 1927

De nombreuses pratiques artistiques contemporaines ont investi le domaine du végétal. Par-delà la question l’approchant comme sujet idéal ou référent observé, elles l’impliquent tel un corps à l’œuvre. Le propos suivant interroge en particulier cet axe en considérant deux paradigmes végétaux : l’herbe et l’arbre. Les appréhender en leurs qualités plastiques conduit à les considérer non seulement comme des matériaux inscrits dans le temps mais aussi autoporteurs de l’image vive et fluctuante de leur végétation. Saurait-on, pour autant, parler d’une temporalité végétale tant celle-ci semble plurielle ? Souvent cyclique elle se distinguera en vivace ou annuelle chez les plantes de plus petites tailles. Quoiqu’il en soit, et en dépit de son apparente immobilité (Aristote), le végétal est vivant. Vegetatio, en latin, signifie « animation », de vegetare « croitre » (1375 ; bas lat.), « vivifier » (en latin classique) ;  alors loin de son sens figuré synonyme d’activité réduite ou d’inaction, végétation,  dans son sens premier, fut-il rare, notifie  la vie, annonce la croissance. Aussi le végétal connait-il tous les stades de la vie, de l’ensemencement au germe, de la maturité à la sénescence.  Dans les œuvres, sa présence organique, mouvante et évolutive interroge les modalités de sa conservation. Elle conduira, par exemples,  Ackroyd & Harvey à des collaborations scientifiques, Jean-Claude Ruggirello à penser la sculpture en questionnant l’image en mouvement et Henrique Oliviera à retrouver le vif formel et conceptuel dans l’inerte.

Pour une iconographie photosynthétique

Composant le duo d’artistes britanniques créé en 1990 et basé à Londres, Heather Ackroyd et Dan Harvey ont, notamment et spécifiquement, l’herbe pour matériau. L’implication est double : se saisir d’un matériau vivant, vert, tapissant, foisonnant, élémentaire voire originel (Lucrèce, De natura rerum), et son corollaire : en assurer une relative longévité.

Lorsqu’à la fin des années 1990, Ackroyd & Harvey commencent à travailler des photographies d’herbe, c’est-à-dire en utilisant la sensibilité à la lumière d’un semis d’herbe pour donner à voir une image, ils se trouvent confrontés de manière encore plus sensible à l’aspect fugace de leur matériau d’élection et à la question de sa conservation. L’image point sous l’effet de la photosynthèse. Sujette et soumise aux effets du vieillissement, peu de temps après, elle s’efface.

A partir de 1997, avec le support des prix Wellcom Trust Sci-Art (1997) et NESTA (2001), Ackroyd & Harvey collaborent avec des scientifiques de l’Institute of Grassland and Environmental Research  (IGER- Aberystwyth, Pays de Galles) pour explorer les possibilités d’une certaine stabilité de leurs images de verdure ou tout du moins de les préserver plus longtemps. Un programme pour le maintien du vert (« stay-green ») de l’herbe est lancé. Si les artistes remarquent les points communs des collaborations artistiques et scientifiques des premiers moments de la photographie argentique, ils soulignent, par delà la minéralité des sels d’argent, l’organicité du vert chlorophyllien. Car c’est bien de chlorophylle qu’il s’agit. En étroit rapport, lumière et pigment forment le principe de constitution et de visibilité de l’image. C’est aussi la chlorophylle qui est au centre des recherches scientifiques. D’une part l’image, d’autre par son agent. La chlorophylle est le pigment vert, vital des végétaux. En effet, l’énergie de la lumière absorbée par la chlorophylle se change en énergie chimique. Cette énergie là permet la photosynthèse qui détermine la croissance des plantes, leur fleurissement et la production des graines. La chlorophylle ne se forme qu’à la lumière qui en est l’agent indispensable. Pourtant, la chlorophylle est un composé instable que cette même lumière et la chaleur décomposent. Aussi pour la conserver dans leurs tiges et leurs feuilles, les plantes, de manière générale, en synthétisent de façon continue au printemps puis durant l’été. Cette photosynthèse n’est possible qu’à la lumière et dans des conditions favorables de température. Si, pour partie, l’herbe parait rester verte dans nos jardins, elle cesse, l’hiver venu, son activité photosynthétique : ses parties aériennes sont annuelles, les parties souterraines, elles, peuvent soit disparaitre, soit constituer une souche vivace; en condition d’exposition cette même herbe subit les ravages du temps et à mesure que le vert-chlorophylle  disparaît, l’image se désagrège.

[Figure 3]

Dans l’œuvre d’Ackroyd & Harvey, cette condition du vivant est fondamentale. Leur travail avec un « living material » produit une dimension performative étroitement liée à sa nature transitoire. L’image, volatile, évolue au rythme végétal. Grâce aux recherches de l’IGER, l’espérance de vie de l’image est significativement augmentée. Néanmoins, si son vieillissement est retardé, elle reste assujettie aux mêmes lois. La  démarche artistique d’Ackroyd & Harvey consiste en une réflexion combinée des questions relatives à la conservation et à la dégradation de la matière. « L’acte de conservation est une méditation minutieuse de la décomposition de la matière. L’art est de préserver l’objet dans son état, de la destruction ou du changement, effectivement en le stabilisant ou en ralentissant l’inexorable processus de détérioration. Jusqu’à présent, le changement est tissé à la fabrication des choses, peut-être est-ce à peine visible, invisible (…). Notre matériau vivant est lui même sujet à ces changements et pour conserver l’image plus longtemps il est nécessaire qu’il soit séché et exposé dans une pénombre » écrit le binôme en 2001.

L’iconographie des photographies vertes d’Ackroyd & Harvey renseigne et boucle leur approche. Sunbathers, 2000, montre deux corps allongés dans l’herbe. Comme l’écrit Leslie Forbes dans « A Potent Art »1 : «  deux figures (…) apparaissent et disparaissent dans l’herbe, dans le même temps fixe et éphémère. Renversant l’idée d’un bain de soleil dans le jardin, les baigneurs sont littéralement « dans » la prairie. (…) Ils sont devenus paysage ». Premier fruit de la collaboration du duo d’artistes et de l’IGER, double portrait en herbe au principe photosynthétique, Mother and Child est d’abord présenté en 1998 à l’exposition de Santa Barbara  en Californie. C’est une image de maternité, de celle que nous avons tous en tête, exemplaire et trans-temporelle, incluant le cycle de la vie dans son ambigüité, son possible renouveau et son inexorable fin. En 2001, cette image sera re-produite au sens plein du terme. Ackroyd & Harvey lui donnent une nouvelle matérialité, lors de Presence, résidence et exposition au Musée Isabella Stewart Gardner de Boston. Le titre est implicite et porte l’attention du spectateur sur la double qualité de l’œuvre, inextricablement liée au présent et manifestant d’une présence.2 Si la photographie habituelle gèle un instant de présent, son image verse déjà dans le passé. Empreintes de lumière et de matière vouée à l’évanouissement, les photographies d’Ackroyd & Harvey s’enracinent dans le présent, y demeurent quelques temps. Elles donnent l’occasion d’ « être présent à soi » et travaillent avec la mémoire.  Et la nature, un instant posée, reprend son cours. Pour soustraire les œuvres au temps, c’est-à-dire leur éviter la dégradation, la décomposition, Ackroyd & Harvey ont pour recours de les sécher. Technique d’herboriste, leur déshydratation conserve la trace de l’image qui perdure alors en camaïeu de jaunes paille comme mémoire  d’une représentation passée. En  2012, c’est cette même image que les artistes choisissent de présenter lors de leur première exposition en Chine lors du 3rd Art & Science International Exhibition à l’Université Tsinghua (Beijing), exprimant aussi la possibilité d’une reformation, d’une survivance de l’image.

La vidéographie comme sculpture végétale en mouvement et survivance

La survivance est ce qui survit, ce qui subsiste, ce qui résiste à la disparition. Ainsi en va-t-il de  Jardin égaré,3 œuvre de Jean-Claude Ruggirello de 2006, une vidéo muette, module de 26 minutes monté en boucle continue. C’est un plan fixe. On y voit en grande partie un amandier4 suspendu à une corde, pivotant. Déraciné, cet arbre est « à l’horizontal ». Et le point d’équilibre entre ses racines et son feuillage est très loin, près des premières, coïncidant avec son centre de gravité. Sa position correspond alors à la ligne d’horizon. Ainsi en décide la pesanteur. L’arbre est dans le champ, principalement. Lors de sa rotation, une partie de son feuillage se trouve hors-champ, par choix délibéré de l’artiste. Ainsi n’en saisit-on jamais la totalité. Néanmoins l’arbre est sans rien autour, isolé, égaré -personnifié – comme le titre de l’œuvre invite à le penser. A lui seul il est, peut-être, la figure métonymique de tout un jardin, cet espace de nature dessiné et domestiqué par les mains de l’homme. Son étonnante posture nous permet de le voir comme jamais, dans son intégralité (ou presque), déterré, les racines mises à nues, toutes dans la violence sourde du geste thanatique qui les porte au jour.

[Figure 4][Figure 5]

De hautes ou de basses futaies, les arbres prennent de la hauteur, à la recherche de la lumière. En général l’arbre est une figure remarquée par sa verticalité. « Autant elle s’enfonce, autant elle s’élève : elle enchaîne l’informe, elle attaque le vide (…) »5 Ici, privée de terre et donc du substrat qui la nourrit, elle s’inscrit dans la pendaison, dans le vide alentour.

En rotation, le jeune arbre pivote, présentant tour à tour, sa ramure, ses racines. Au départ lancé par le geste de Jean-Claude Ruggirello, la vitesse du mouvement tors est relative à la masse de l’arbre. La rotation donnée se déroule, suivant sa propre accélération, ralentit, se fige un bref instant puis repart, en sens inverse dans un mouvement de va-et-vient sans périodicité mesurable, ininterrompu par le fait du montage, insistant, en cela, sur le caractère clos de cet objet sur lui-même. La mise en boucle assure une « présence continue »  à l’œuvre, sans début, sans fin. Il ne s’agit pas d’un développé narratif mais d’une mise en présence. Ce mouvement continu a pour unique point immobile, comme une accroche ferme, celui fixe de l’attache du cordage au bord supérieur de l’image.

Cet arbre est un amandier en fleurs. L’amandier est un arbre fruitier, le premier à fleurir à la fin de l’hiver quant tout est encore éteint et son espérance de vie est, en moyenne, de cent ans.6 Il porte en lui cette charge symbolique. L’artiste choisit de le présenter dans la vigueur de la floraison, au départ de la feuillaison, qui est ce moment en botanique où apparaissent les feuilles sur les arbres, fauché à son acmé dans la période emblématique du renouveau végétal. La vidéo muette enregistre ce bel état, comme une sonorité de boîte à musique, un tour, un manège, une ronde un tantinet macabre, rappelant dans son tournoiement, et le défilement cyclique des saisons, et le tour de cadran des aiguilles d’une horloge ou d’une montre. Jardin égaré propose une réflexion sur la physiologie de la plante, sur l’ontogénèse végétale. Défini génétiquement, le rythme naturel végétal n’est pourtant en rien clos sur lui-même. Il dépend largement de son environnement, du taux de précipitation, de l’humidité, de la température ambiante, de ces variations, de ces fluctuations, douces ou brutales, de son voisinage, des parasites et autres maladies, de l’intervention de l’homme. Le végétal conserve les stigmates de ces avatars. Parfois ces écarts interrompent un cycle, à d’autres moments ils lui sont fatals. Figé dans l’enregistrement, l’état de fleurissement ne saurait perdurer sans cet artefact. Arraché au sol nourricier,7 la perruque de racines, l’enchevêtrement serrant la terre entre ses interstices, permet à l’arbre encore vigoureux et frais de vivre sur ses réserves. Il ne présente pas les signes avant coureurs de son inévitable dépérissement. Il est pourtant en sursis, en suspens et Jardin égaré permet au spectateur immobile d’en faire le tour. Il l’invite à se situer, créant aussi, au moment des changements de sens de rotation, un trouble, semblable à l’expérience vécue lorsqu’assis dans un train, regardant par la fenêtre le wagon à côté, on se demande lequel des deux bouge. Au spectateur posé, via la vidéo et ses rapports de cadrage, les questions de sculpture se découvrent lentement, parfois dans la ligne d’horizon, dans la blancheur de la lumière, dans le raccourci d’une grande proximité alternée de la motte et de la frondaison, et surtout dans la rotation oscillante, dans l’alternance du nocturne de la terre, et de son pendant diurne de la floraison, dans la masse de cette matière vivante et de celle de son image. Jardin égaré échappe au temps, la vidéo en enregistre un laps, qu’elle transmet en boucle, continûment ; limant la linéarité temporelle, elle suspend la question du devenir. Jardin égaré a quelque dessein parabolique. Il s’appuie sur l’élémentaire d’un événement pour questionner la place de l’être humain, en coulisse, naïf, inconscient ou préoccupé, observateur ou agent dévastateur, médusé devant une ponction de son environnement naturel, de ce que l’on nomme son biotope.

In situ, bois conducteur et transmission matérielle

Eté 2013, Henrique Oliviera expose Transubstanciation au Collège des Bernardins à Paris.8 A distance, au fond de la grande nef, il construit, en ronde-bosse, l’image d’un bois imposant et massif, mêlant les identités d’un arbre cruciforme, de ses racines, et celle d’immenses poutres, aussi bien dire celles du végétal vif, intégrées à celles de sa conversion manufacturée. Le nœud de bois en croix s’inscrit souplement dans l’espace dessiné par la voute. Une branche de section carrée démarre à l’arrivée de quelques marches, une autre s’élève, légèrement biaise, vers une petite fenêtre, point de lumière au fond. Une autre encore s’oriente vers l’ouverture latérale, tandis que la dernière stabilise l’ensemble prenant généreusement place au sol. En s’approchant, l’effet de masse s’estompe au profit d’une compréhension de l’assemblé. Depuis 2003, parallèlement à un travail pictural, Henrique Oliviera développe des sculptures ou des environnements en « tapumes ».  Les tapumes sont utilisés notamment au Brésil pour construire les palissades de chantier qui soustraient au regard les zones en travaux. C’est un bois de peu de valeur, un bois de chute, un bois qui masque. Pour Henrique Oliviera, c‘est un contre-plaqué, matériau associant plusieurs couches de bois minces superposées, collées formant une plaque à la fois résistante et souple.

Loin du premier effet natif et sculpté dans la masse, Transubstanciation se découvre en bandes de bois (sans clou visible) minces et composites, finalement hautement manufacturées, manipulées lors des usinages et de la fabrique de l’ensemble. En fait de taille, Henrique Oliviera façonne la surface, le bois devient peau en petites pièces d’essences et de tons variés, en  échardes, nœuds et veines. Il procède par contreplacage ce qui laisse deviner au spectateur l’application des feuilles de bois collées en revêtements cutanés sur un premier assemblage de menuiserie, construction à l’ossature invisible néanmoins sous-jacente. Visuellement solides, pleines, les structures d’Henrique Oliveira n’en sont pas moins légères et creuses ; elles sont en lutte avec l’inertie. Là est leur colossale qualité d’image, là est leur intrigante nature. Aussi Transubstanciation, que l’on traduit par transsubstantiation, est un titre mystérieux aux accents théologiques. Il situe comme centrale la question de la substance, l’essence, la partie essentielle et permanente dans un sujet susceptible de changer, relevant les qualités de la matière dans ses qualités premières (distinctes de ses qualités secondes qui résident dans les sensations -Thomas d’Aquin).

[Figure 8]

Celles-là peuvent ainsi se transformer sans rien perdre de leurs caractéristiques, à l’instar du bois qui vit des transformations, passe d’un état (arbre) à un autre (planche, feuille de bois découpée), à un autre encore (image de l’arbre ou de ses racines) au sein d’un même fond, d’une même matérialité. In situ, œuvre temporaire, inscription éphémère, cette sculpture installée pourra être démontée. Ses matériaux seront peut-être recyclés, pris dans un jeu vivant, alternance de visions de surface, épidermiques et visions internes. Du même artiste, l’installation Baitogogo au Palais de Tokyo, dans le cadre de la saison « Nouvelles vagues » (21. 06.2013 – 09.09.2013), déploie des ramifications tentaculaires telles des excroissances du bâtiment, rappelant par moments le travail invasif en bois de coffrage de Tadashi Kawamata. Quand l’artiste japonais implante des structures porteuses d’accueil – nids, inaccessibles néanmoins refuges, précaires, suspendus, équilibristes, perchés – jouant  « à la cabane »,9 supports de rêves, et lieux de mises à distance, l’artiste brésilien procède par  association d’imageries médicales, botaniques et organiques, par greffes, bénignes ou malignes, s’immisçant dans des lieux-hôtes. La fluidité de la croissance et de l’organicité végétales s’introduisent en torsions, mouvements de rotation, dans le bois tors appliqué en feuillets, reconstituant et restituant au xylème sa force primitive, vitale. Et qu’en est-il de l’arbre, de ce bois « transsubstantié », quand on se souvient qu’Henrique Oliveira est un artiste brésilien, natif d’un pays où la déforestation  massive de la forêt primaire amazonienne, l’une des plus vastes réserves de biodiversité au monde, est un problème d’actualité depuis plus de trente ans ?

[Figure 9]

Les œuvres ici examinées ont pour point commun d’imbriquer la nature de leur matière première – à la fois sujet et référent – à celle de leur condition d’existence et à celle de leur iconicité. Elles absorbent leur qualité de chose vivante et d’image développée de cet être vif dans nos savoirs théoriques, culturels et empiriques. Elles invitent le spectateur à entrer, une période, un moment, dans la biologie, la physiologie végétale, en résonnance avec son environnement, extraite de son milieu naturel. Elles mobilisent son attention. Elles s’énoncent au présent, parce que, quelques soient les modalités choisies, le végétal implique le présent, un présent vivant tel celui étudié par Husserl, non pas réduit à l’instant ponctiforme mais élargi, augmenté par la protention (anticipation immédiate de l’avenir) et le souvenir du passé (rétention) dans leurs phases dynamiques. Aussi les œuvres s’étendent dans l’actuel labile, inséparables des phénomènes. Et si leurs formes se logent dans le concept, elles sont avant tout sensibles et remarquent l’ambivalence des inscriptions fragiles exposées au temps. Les recherches d’Ackroyd & Harvey, de Jean-Claude Ruggirello, et d’Henrique Oliviera sont autant des participations artistiques temporaires que des intégrations captivantes au cycle végétal, discernant dans les artefacts critiques leur constitution transitoire, enchaînement de moments sur lesquels l’emprise de l’artiste est, à la fois, toute puissante et toute relative. Elles conçoivent l’œuvre  « (…) à travers toute une vie de plante »,10 dans son impossible immobilité, à l’épreuve du temps, éphémère et instable.

Citer cet article

Elisabeth Amblard, « Le vivant végétal à la mesure du temps », [Plastik] : Art et biodiversité : Un art durable ? #04 [en ligne], mis en ligne le 15 février 2014, consulté le 26 avril 2024. URL : https://plastik.univ-paris1.fr/2014/02/15/le-vivant-vegetal-a-la-mesure-du-temps/ ISSN 2101-0323

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