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Peut-on établir un lien entre l’évolution des concepts en écologie et les productions artistiques et culturelles d’aujourd’hui tournées vers l’idée de nature, d’environnement et de développement durable ?

Peut-on établir un lien entre l’évolution des concepts en écologie et les productions artistiques et culturelles d’aujourd’hui tournées vers l’idée de nature, d’environnement et de développement durable ?


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Table des matières

Résumé

Peut-on établir un lien entre l’évolution des concepts en écologie et les tendances des créations contemporaines tournées vers l’idée de nature, d’environnement, de développement durable ? L’auteur apporte un éclairage original de cette question en pointant l’émergence de l’ingénierie écologique comme alternative à l’ambiguïté du terme de développement durable,  et pose des hypothèses sur la manière dont le monde de la création contemporaine s’empare de cette approche innovante.

L’évolution des concepts en écologie : des similitudes  avec les débats portés par le secteur culturel autour de la fonction de conservation.

La problématique de la relation de l’homme à la nature, dont les disciplines issues de l’écologie se sont emparées sous des angles multiples, présente une certaine analogie avec celle des relations que l’homme entretient avec son patrimoine historique.

A l’échelle nationale par exemple, les questions posées par la muséologie interrogent l’idée de la France-musée, où tout serait à conserver à l’état d’origine. Les historiens du patrimoine entreprennent dans ce contexte programmes de recherche et études comparatives pour qualifier cet état originel. En conséquence, la majorité des chantiers de restauration patrimoniale génère des débats entre historiens qui défendent, chacun, leur vision propre des mesures de restauration qu’il conviendrait d’appliquer.

L’exemple de l’Abbaye de Lagrasse, haut lieu patrimonial de l’époque médiévale, située au cœur du site du « pays cathare » dans le département de l’Aude, a fait l’objet en 2009 d’un programme européen de recherche en archéologie visant à déterminer si les fenêtres du dortoir de l’Abbaye devaient être restaurées suivant l’esthétique de l’époque mauriste ou celle de l’époque gothique. La démarche de restauration du Conseil Général, propriétaire du monument, est alors tributaire du temps nécessaire aux scientifiques pour aboutir à une décision concertée.

Un autre type de débat, concernant également le domaine du patrimoine, a émergé lorsque François Mitterrand commanda à l’architecte Ming Pei l’implantation d’une pyramide en verre au cœur du site du Grand Louvre. Fallait-il que « l’homme moderne » marque de son empreinte futuriste un ensemble monumental consacrant les efforts de conservation portés par plusieurs générations de conservateurs ?

De même l’écologie est-elle traversée par deux « tentations » aux antipodes l’une de l’autre : une vision de conservation de la nature à l’état originel, une vision valorisant la maitrise de la nature par l’homme et les bénéfices de son exploitation.

Les concepts influant en écologie : deux grandes familles d’approches antinomiques appellent à l’émergence d’une troisième voie, tournée vers une éthique environnementale.

Ces deux visions dessinées à grands traits dans notre introduction recouvrent en réalité, des grands courants de pensées émaillés chacun par des nuances sensibles en fonction des auteurs (et des époques) qui s’en sont faits les défenseurs.

L’approche privilégiant la conservation de la nature à l’état originel est principalement l’héritage de John Muir (1838-1914) pour lequel la nature est lieu de méditation, création à sauver. Pour cet auteur la nature est à envisager à des fins esthétiques. À titre d’exemple, dans une période plus récente, cette approche est également portée par Jean Paul Harroy, le premier secrétaire général de l’UIPN, qui publia en 1949 un long texte proposant une définition de la protection de la nature dans lequel on peut lire « pour protéger efficacement les associations naturelles qui lui sont utiles, l’homme doit les avoir préalablement soigneusement étudiées. Mais pour pouvoir étudier ces associations dans les meilleures conditions, j’oserais dire « à l’état de corps pur », il doit préalablement les avoir protégées, c’est à dire, dans des aires appropriées et suffisamment vastes, soustraites aux influences perturbatrices d’origine humaine qui masquent et déforment les réactions fondamentales que le chercheur tente d’observer et de classer en lois. » L’approche privilégiant la maîtrise de la nature par l’homme et son exploitation fait elle référence aux travaux de Gifford Pinchot (1865-1946), partisan du « wise-use » par opposition au «wilderness» de John Muir) qui introduit l’idée de gestion des forêts, loin des préoccupations esthétiques. Dans un registre proche, Louis Mangin écrit en 1923 que « la protection de la nature ne se justifie pas seulement pour des raisons esthétiques, mais aussi pour des raisons pratiques ».

Mais chacune de ces philosophies, arrière-plans métaphysiques de l’approche des relations de l’homme à la nature,  présente des limites qui les affaiblissent. À titre d’exemple, Patrick Blandin, dans son ouvrage « Biodiversité, l’avenir du vivant » paru en 2010, souligne les contradictions de l’idéologie de la nature vierge : à propos du texte de Jean Paul Harroy, il écrit « Cette idéologie… justifie que des gens soient expulsés de leurs espaces de vie parce qu’il convient d’y protéger la nature ». Ce paradoxe est accentué selon lui par l’idée que cette nature préservée deviendrait une sorte de territoire réservé aux défenseurs de la nature vierge. L’auteur explique ainsi  qu’il s’agit d’une « vision d’une nature qui aurait le droit de vivre sa vie, vision mêlée d’une admiration pour la nature sauvage que nul ne dompte, nature goûtée par certains qui l’interdiraient à d’autres pour préserver une virginité qu’ils se réservent le droit d’explorer ». Cette idéologie semble représenter la toile de fond des débats autour de la notion de préservation, avec la question de savoir à quelle époque situer le référentiel pour reproduire l’état originel.

Les contradictions de cette vision écocentriste trouvent leurs pendants, en écho, dans l’approche anthropocentriste, de façon évidente : la surexploitation par l’homme des éco-systèmes conduit à épuiser ces derniers ; pollution, modification des habitats, changements climatiques, introduction d’espèces exotiques, constituent les facteurs de déstabilisation de la biodiversité elle-même préjudiciable à l’homme. En d’autres termes, la métaphore de l’homme sciant la branche qui le soutient. Tentant de dessiner une troisième voie face à ces deux approches radicalement opposées, les  économistes et spécialistes de l’environnement ont conçu, à la fin des années 80, le concept de développement durable, qui apparaît pour la première fois dans le rapport Bruntland (1987) porté par la Commission mondiale pour l’environnement et le développement , et défini ainsi : « Le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Largement porté médiatiquement, ce concept fut vite décrié par des nombreux chercheurs et défenseurs de l’environnement, pointant dans l’idée du «développement durable» le poids majeur des enjeux économiques, et d’un anthropocentrisme qui cachait à peine son intention derrière quelques  publicités verdissantes….

« Il convient d’avoir à l’esprit que la notion de développement durable réfère au champ des  principes politiques. Si l’on voulait faire une comparaison, on pourrait l’assimiler aux articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. D’où une ambiguïté : ce n’est pas un concept scientifique, c’est un concept politique. Le fait qu’il repose sur une prise de  conscience liée à l’observation d’un certain nombre de phénomènes, comme le réchauffement planétaire, donc sur un substrat scientifique, ne doit pas faire illusion : ce n’est pas le cœur du concept ».1

Art et culture, tantôt reflet de l’écocentrisme, tantôt miroir de l’anthropocentrisme ?

La création artistique contemporaine inscrite dans la mouvance « nature et environnement », semble avant tout tentée, dans sa face visible et médiatisée,  par le concept du développement durable. De nombreux artistes sont appelés, par exemple, à repenser la ville. La création emprunte alors à la nature et aux technologies pour développer l’intervention artistique en espace public, soit, prioritairement, en espace urbain. L’association COAL en France (coalition pour l’art et le développement durable) est ainsi devenue le lieu de légitimation de démarches  en « art et écologie » avec notamment la mise en œuvre d’un prix international défini de la manière suivante : « Les critères de sélection des projets prennent en compte la valeur artistique, la pertinence (compréhension des enjeux), l’originalité (capacité à proposer des approches, des thématiques ou angles de vues inédits), la pédagogie (capacité à faire passer un message, à sensibiliser), la démarche sociale et participative (engagement, témoignage, efficience, dynamique sociétale), l’éco-conception et la faisabilité des projets ».(extrait du site www.projetcoal.org). La multiplicité des critères ici évoqués, comme leur acception éminemment politique, correspond à la critique du concept de « développement durable » produite par le Geistel cité précédemment.

Stefan Shankland, qui fut parmi les premiers lauréats du prix Coal, a inventé la démarche HQAC (haute qualité artistique et culturelle) qui vise à intégrer une dimension artistique et culturelle à un processus de transformation urbain. La ZAC du Plateau à Ivry-sur-Seine (94) est le terrain d’application de cette démarche alliant art, ville et développement durable. Le lauréat du prix cette année, Laurent Tixador, a fait porter son projet sur la question architecturale avec l’œuvre « architecture transitoire ». Ainsi, la ville, l’architecture, constituent des objets fréquemment interrogés par la mouvance artistique contemporaine qui en France, est tournée vers l’environnement. En ce sens il nous semble que c’est bien plutôt le concept de développement durable qui est mobilisé. L’art et la culture, comme 4° pilier du développement durable, jouent alors pleinement le rôle qui leur a été assigné de «fabriquer du développement», en tentant de co-construire la ville, devenue principale matrice humaine, aux côtés des urbanistes, architectes, économistes, et spécialistes de l’environnement pour garantir une « durabilité » au mode de vie dominant qu’est aujourd’hui le mode de vie urbain.

Ainsi, le concept en écologie qui semble être la toile de fonds dominante des créations contemporaines qui se réclament d’une dimension environnementale serait bien celui du développement durable. Si cette mouvance est aujourd’hui la tendance majeure dans l’univers artistique et culturel, les concepts d’éco-centrisme  et d’anthropocentrisme ont pourtant inspiré nombre d’artistes, mais restent peu portés par les médias et les relais d’information.

Relevant de l’idée d’écocentrisme, nous pouvons faire référence à l’Espace Krajcberg à Paris. Inauguré en 2003, il s’agit d’un lieu d’exposition consacré aux œuvres que l’artiste brésilien Frans Krajcberg a données à la Ville de Paris. Il est hébergé dans les locaux du Musée du Montparnasse. Il fait partie d’un vaste projet de construction de plusieurs centres culturels dédiés à l’œuvre de Frans Krajcberg et à l’importance de son combat pour la préservation de la planète. D’autres musées ont été inaugurés en 2003, au Brésil : l’Espace Culturel Frans Krajcberg au sein du Jardin Botanique de la ville de Curitiba, et le Musée Ecologique Frans Krajcberg à Nova Viçosa, dans l’état de Bahia. Pourtant situé au cœur de Paris, doté d’œuvres de grande qualité réalisées à partir de matériaux naturels, cet espace, qui jouxte le Musée de Montparnasse, est très peu connu, faiblement médiatisé. Sa visite raconte pourtant une relation intime d’un artiste avec la nature, autant qu’un combat farouche pour la préservation des espaces naturels (notamment la forêt amazonienne considérée comme ressource mondiale pour la biodiversité). Dans cette même démarche l’on citera la photographie animalière, fréquemment mise en valeur dans les parcs et jardins : l’exposition au jardin des Plantes en 2012 de collections de photographies ornithologiques renvoie à cette valorisation de la nature « à l’état pur ».

L’on citera aussi l’ouvrage « l’appel de la forêt » écrit par le philosophe Michel Onfray en 2012 et qui célèbre la magie des espaces naturels. Et bien sûr l’immense richesse de la poésie qui a transcrit le merveilleux et le rêve inspiré par la nature « Ici tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté » écrivait Baudelaire. Le concept d’anthropocentrisme lui, n’est, à première vue,  pas explicitement présent dans les créations contemporaines : quel artiste pourrait oser « célébrer » la main destructrice de l’homme sur la nature ? Pourtant nous sommes assaillis d’images dénonçant le préjudice :le film Home de Yann Arthus Bertrand sorti en 2009, comme les multiples scénariis catastrophistes tels 2012 (Roland Emmerich) ou quelques années auparavant Armageddon (Michael Bay), porteur d’un discours culpabilisateur, renvoient aussi à l’idée d’une nature qui venge l’action destructrice de l’homme.

S’il peut être légitime de penser que la démarche artistique s’inscrirait, dans ces exemples cités,  en faveur de la protection de la nature, il s’avère en fait que ce type de discours est contre-productif. L’excès de catastrophisme  entrainerait un rejet de la cause environnementale et fabriquerait un anthropocentrisme plus affirmé encore. Colette Garraud dans son ouvrage « L’idée de la nature dans l’art contemporain » (1994), précise « dénoncer aujourd’hui la menace qui pèse sur notre environnement déclenche des phénomènes de rejet ou de disqualification très forts, car il n’existe plus aujourd’hui de discours qui puisse parler de la nature : ni pour la célébrer, elle ou ses représentations (le romantisme honni et le déni pour le paysage), ni pour en constater le massacre (le discours écologique opportunément discrédité) ».

Sortir de la dualité : vers une philosophie renouvelée de l’écologie.

Un faisceau d’indices récents, tracent l’avènement d’une vision nouvelle ayant l’objectif de dépasser cette dualité en écologie, tension entre éco-centrisme et anthropocentrisme. Par exemple, aujourd’hui, les travaux de la FRB (fondation pour la recherche sur la biodiversité) présentent le cadre de la réflexion sur la biodiversité autour de la notion de « valeur » :

– catégorie de valeur d’usage (services écologiques de consommation directe, de production, récréative)

– catégorie de  valeur écologique (impact positif de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes)

– catégorie de valeur d’existence (liée à la satisfaction et au bien être que procure l’existence de la biodiversité)

L’on peut également citer les travaux de l’UICN sur « l’éthique de la conservation de la biodiversité » qui ont donné naissance en 1990 à une charte pour la conservation de la diversité biologique, qui précise :

« – l’humanité appartient à la nature, le monde étant un tout interdépendant où la vie dépend du fonctionnement ininterrompu des écosystèmes, ce qui impose à chaque humain une responsabilité écologique, vis-à-vis de sa propre génération, comme des générations futures.

– la culture humaine doit se construire sur un profond respect de la nature, le sentiment de faire un avec la nature, et la reconnaissance que les affaires humaines doivent être menées en harmonie et en équilibre avec la nature.

Toutes les espèces ont un droit inhérent à exister et les processus écologiques qui assurent l’intégrité de la biosphère et de la diversité de ses composantes doivent être maintenus.

– les diverses adaptations culturelles aux conditions environnementales locales doivent pouvoir prospérer.

– les valeurs personnelles et sociales devraient être choisies de façon à renforcer la richesse de la flore, de la faune et de l’expérience humaine, ce fondement moral devant permettre le partage équitable et intergénérationnel des nombreuses valeurs utilitaires de la nature – pour la nourriture, la santé, la science, la technologie, l’industrie, les loisirs. »

Ces aspirations au dépassement des antagonismes semblent converger pour construire une nouvelle approche qualifiée « d’éthique environnementale ». Ces concepts réconciliateurs sont vraisemblablement à mettre en lien avec l’émergence, au sein de la sphère scientifique de l’écologie, d’une nouvelle discipline, celle de l’ingénierie écologique.

Les objectifs de l’ingénierie écologique s’énoncent ainsi :

– piloter les écosystèmes

– re-fabriquer des écosystèmes.

Apparue dans les années 90, cette notion renvoie à l’idée de « la gestion des milieux et de l’aménagement durables pour restaurer la nature afin qu’elle continue à fournir des services ». Cette nouvelle compétence, comme champ applicatif de « l’éthique environnementale », vise la réconciliation d’un respect de la nature par l’homme au travers d’un accompagnement vertueux des écosystèmes, avec une exploitation de la nature au travers de l’exploitation des écosystèmes ainsi préservés. L’ingénierie écologique intéresse aujourd’hui le monde de l’entreprise, qui voit ses premiers tâtonnements dans le pilotage des écosystèmes comme une réponse alternative aux processus de compensation, mais aussi comme champ possible d’innovation pour l’entreprise (la connaissance des mécanismes du vivant peut conduire à l’invention de nouveaux produits et/ou services par mimétisme). Ainsi s’ouvre dans le champ de l’écologie un nouveau domaine d’intervention en synergie étroite avec l’idée du vivant, et non plus du développement durable. Ce nouveau champ demeure néanmoins fragile, selon Nathalie Frascaria-Lacoste, chercheur en écologie, ingénieur écologue à AgroParisTech, dans la mesure où la science dans le domaine de l’expérimentation écologique n’est pas stabilisée.

Peut-on établir un lien  entre l’émergence de ces nouveaux concepts en écologie et certaines expressions artistiques contemporaines ?

La transposition de ce concept d’ingénierie écologique dans le domaine de l’art et de la culture renverrait ainsi à :

– une dimension éthique de respect du vivant,

– une dimension interactive entre l’homme et la nature au bénéfice des deux parties,

– la construction d’un imaginaire positif en faveur de l’environnement.

L’action culturelle s’est appropriée ces différentes dimensions de façon contrastée. Si de nombreux projets ne portent que sur une sensibilisation à la nature via l’expression artistique, d’autres sont très structurés et mêlent interactivité, apprentissage scientifique, création, et travail sur l’imaginaire. C’est le cas par exemple du projet « Imaginaire et Jardins » mis en œuvre sur le territoire de Plaine Commune en Seine-St- Denis, pour lequel l’immersion de l’enfant au cœur du vivant, doublée d’une approche cognitive, est ensuite retravaillée avec des artistes pour faire émerger chez l’enfant sa propre représentation de la nature. Les témoignages des enseignants dans ce projet « Imaginaire et Jardins », montrent qu’ils ont observé une modification des comportements des enfants .Ceci nous permet de poser une hypothèse quant à la relation entre l’impact symbolique de ces projets et l’évolution des comportements pour davantage de respect de l’environnement.

[Figure 1]

L’univers de la création  s’approprie aussi cette démarche  éco-systémique  avec par exemple la démarche artistique du festival des jardins à Chaumont sur Loire, propriété du Conseil Régional du Centre. Chaque année, une trentaine d’œuvres d’art contemporain sont créées à partir de plantes, de fleurs, dont l’évolution au fil de la saison entraîne une évolution de l’œuvre d’art elle-même. De très nombreuses actions de médiation sont entreprises autour de ce festival pour favoriser l’interactivité.

[Figure 2]

La construction d’un imaginaire positif autour de la nature et de l’environnement, comme condition pour une réconciliation de l’homme et de la nature, nous semble aussi une démarche que l’on peut apparenter à cette « ingénierie écologique » qui réintègre l’humain dans un système vivant et durable, et que l’on pourrait qualifier « d’éco-ingénierie de l’imaginaire ». Certains artistes travaillent en ce sens mais sont souvent, à l’exception de quelques uns,  assez faiblement médiatisés :

Le plasticien Jacques Subileau, dont les créations sur le thème de la nature, de la musique, et des oiseaux,2 en référence au travail du compositeur Olivier Messiaen, nous propose une nature explosant de couleurs, comme un contre feu allumé face aux images de la nature menaçante, dévastatrice, illustrée par les torrents de boue, les terres brulées, … peut- être pour dire que l’on peut marcher en rythme avec cette magnifique expression du vivant, au lieu de  n’y voir que chaos et noirceur.

[Figure 3][Figure 4][Figure 5][Figure 6]

Mais c’est aussi le regard saisissant de l’animal sauvage, l’autre, l’étranger. Ce regard, animal, nous semble venir en écho aux  questions que les spécialistes en environnement se posent quand ils parlent du peuple silencieux pour désigner nature et règne animal, et dont ils essaient de traduire une parole, sur le plan scientifique.

[Figure 7]

L’on peut aussi citer le travail d’Andy Goldsworthy, plasticien d’origine anglaise, artiste de Land Art, qui a par exemple créé une série d’œuvres utilisant les pierres sèches de la région de Digne (Alpes de Haute Provence). Ses œuvres ne trouvent leur solidité que par respect des règles physiques de construction (construction de voûtes, formes ovoïdales, etc.) étudiées par l’artiste auprès des scientifiques. Ces œuvres ponctuent un parcours dans la zone géologique protégée du département des Alpes de Haute Provence, dont la richesse et l’environnement  sont respectés par le public. Elles célèbrent la question du temps, dans un questionnement sur le règne minéral.

Enfin, et bien que ne se situant pas dans une démarche d’interactivité et de médiation, le plasticien Eric Samakh, qui au travers de ses « flûtes des fées », (Horizons Rencontres Arts nature 2007, Cotteuge, Massif du Sancy) fait dialoguer le bois, le vent, le soleil et les nuages, à partir d’une installation solaire, intégrant ainsi au cœur de l’œuvre la dimension vivante apportée par la nature en mouvement.

Citer cet article

Corinne Matheron, « Peut-on établir un lien entre l’évolution des concepts en écologie et les productions artistiques et culturelles d’aujourd’hui tournées vers l’idée de nature, d’environnement et de développement durable ? », [Plastik] : Art et biodiversité : Un art durable ? #04 [en ligne], mis en ligne le 15 février 2014, consulté le 19 mars 2024. URL : https://plastik.univ-paris1.fr/2014/02/15/peut-on-etablir-un-lien-entre-levolution-des-concepts-en-ecologie-et-les-productions-artistiques-et-culturelles-daujourdhui-tournees-vers-lidee-de-nature-d/ ISSN 2101-0323

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